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en précipitant dans l’abîme Ricardo, Malthus, «la loi d’airain,» M. Bamberger et tout le Manchesterthum libéral.

Le parti catholique-social parvint à se faire d’un coup un nombre considérable d’adhérons en adoptant les Kolping’s catholische Gesellenvereine. En 1847, un artisan instruit et pieux nommé Kolping eut l’idée de réunir les compagnons en associations, qui avaient pour but de cultiver en eux le sentiment moral et religieux et de défendre leurs intérêts. Par l’apostolat du « père (Vater) Kolping, » comme on l’appelait, il s’en établit de tous les côtés. En 1872, lorsque les Christlich-socialen les adoptèrent, elles comptaient plus de soixante-dix mille membres. Des associations de paysans (Bauernvereine) ne tardèrent pas à se former dans les pays les plus catholiques, en Bavière et en Westphalie. Elles avaient pour but de défendre les droits des campagnards et d’obtenir une réduction des impôts grevant la terre et du service militaire. Dans les résolutions de la réunion générale des associations de paysans de Bavière tenue à Deggendorf en octobre 1871, je trouve le passage suivant : « Nous détestons de toute notre âme le militarisme qui se considère comme la chose principale à laquelle il faut tout sacrifier; il absorbe les forces vives du travail, même quand elles sont indispensables à la production, comme en temps de moisson. Et cependant l’armée existe pour la nation et non la nation pour l’armée, de même que le gouvernement pour le peuple et non le peuple pour le gouvernement. »

Dans la réunion générale des associations chrétiennes-sociales tenue à Essen, le 29 juin 1870, un des délégués, M. Witte, énumérait ainsi les forces dont elles disposaient : « Quinze mille paysans catholiques se sont déjà fédérés en Bavière. Quinze mille fermes, c’est déjà une base d’opération solide pour nous emparer des campagnes. Bientôt nous en aurons autant et plus encore en Westphalie et dans le pays rhénan. Cent mille maîtres-ouvriers se rangent sous notre drapeau et quatre-vingt mille braves compagnons des Kolpingsvereine nous tendent la main. Nos sociétés compteront bientôt leurs membres par centaines de mille. C’est là une armée respectable, et ce n’est que le commencement. Trente mille prêtres allemands vont mettre la main à l’œuvre. J’entrevois un brillant avenir. » Toute cette armée dont parle l’orateur était lancée au scrutin par le clergé, et aux élections du suffrage universel pour le parlement impérial en 1870 elle obtint plus d’un succès. Ainsi à Elberfeld elle battit les démocrates-socialistes, qui étaient là sur leur terrain. En 1871, un rescrit ministériel prononça la dissolution des associations de paysans de la Westphalie, comme constituant des sociétés politiques interdites par la loi. Elles se reconstituèrent bientôt sous le nom de Union des paysans westphaliens (Westfälische Bauernverein),