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entre le vicaire Laaf et l’agitateur socialiste M. Hasselmann, dont la parole ardente et l’esprit incisif ont toujours le plus grand succès dans les meetings d’ouvriers. — Depuis que vous avez pris pour mot d’ordre à Berlin : Destruction du christianisme, dit le vicaire Laaf, nous ne pouvons plus nous entendre. — M. Hasselmann répondit en invoquant l’exemple de Mgr von Ketteler, qui s’était montré très favorable à l’association des ouvriers en cigares fondée par le démocrate-socialiste Fritsche[1].

Le lendemain le journal de M. Hasselmann, die Volkstimme, déclara que les braves mineurs avaient éventé les manœuvres des intrigans en robe noire et qu’ils ne voulaient pas de la « capelanocratie. » De leur côté les journaux catholiques-socialistes de la province, la Tremonia de Dortmund, les Essener Blätter, l’Essener Volkszeitung, le Rheinisch-Westfälischer Volksfreund, firent feu de toutes pièces sur les socialistes-démocrates. On se disputait l’appoint électoral des ouvriers de ce district où les charbonnages et les usines métallurgiques en emploient un nombre considérable. « Ouvriers mineurs, ne suivez pas le drapeau des démocrates, répétaient en chœur les christlich-socialen, il vous conduira à votre perte. Rangez-vous tous sous la bannière de la croix. Là est le salut. » Nous avons esquissé la physionomie de ce débat, parce qu’il peint la situation. Une entente réelle est impossible entre les démocrates-socialistes qui prêchent l’athéisme pour renverser la royauté, l’église et toute autorité établie, et les socialistes ultramontains qui veulent fortifier l’autorité pour la remettre aux mains des évêques et du pape; mais les deux partis flattent les ouvriers, énumèrent et grossissent leurs griefs, proposent des remèdes à leurs maux et en rendent responsable la bourgeoisie libérale « qui exploite le peuple sans cœur ni merci. » Ils se rencontrent ainsi dans l’opposition et votent l’un pour l’autre.

Le chiffre des associations créées sous l’influence du socialisme catholique est vraiment innombrable, sans compter, bien entendu, les couvens, qui en sont le type idéal. M. Rudolph Meyer s’est donné beaucoup de peine, non pour arriver à en faire une statistique complète, mais seulement pour en énumérer les différentes espèces, et il avoue qu’il lui a été impossible d’en dresser une liste exacte. Cependant sa classification est déjà très étendue. Voici les institutions que nous y voyons figurer. — Associations catholiques des compagnons

  1. M. Fritsche est actuellement député. C’est sur son témoignage que M. Bebel s’est appuyé dans le récent débat au parlement allemand pour parler des avances que M de Bismarck aurait faites au parti socialiste. « Je n’ai pas l’honneur de connaître M. Fritsche, répondit le chancelier. — Mais c’est un député, » cria-t-on, et toute l’assemblée de rire aux éclats. « Si c’est un député, reprend M. de Bismarck, il n’a pas pu dire ce qui n’est pas vrai, et je l’adjure de prouver qu’il a eu des rapports avec moi. »