complète. Fernand était sauvé, et chaque matin ramenait les deux sœurs au Palais du Nain. Pendant que Mercedes et Itza veillaient près du convalescent, lui, passait de longues heures avec dona Carmen. Ensemble ils surveillaient les fouilles qu’il faisait continuer, sans succès jusqu’ici. Ensemble ils se promenaient sur la terrasse ; l’heure du repas les ramenait près de Fernand, ils y restaient peu, il ne fallait pas l’agiter. Dans l’après-midi, assis à l’ombre des ruines, ils causaient. Dona Carmen lui faisait raconter sa vie, elle lui parlait d’elle, de sa sœur, de leur enfance à la Nouvelle-Orléans, de ces mois d’angoisse passés à Mexico. Ils contemplaient le paysage grandiose qui se déroulait devant eux, les vieilles ruines qui surgissaient de la forêt comme des cimes blanches sur une mer de verdure. Au soleil couchant, leurs grandes ombres s’allongeaient en formes fantastiques. Ces palais muets pleins de mystères, ce grand calme de la nature des tropiques, cette végétation lentement envahissante qui recouvrait la ville endormie d’un sommeil éternel parlaient à l’imagination de dona Carmen. Elle se plaisait à évoquer les souvenirs du passé, à relever par la pensée ces murailles détruites, à rappeler à la vie les générations disparues dont les pas avaient foulé ces dalles usées, et à demander aux légendes de ce peuple mort le secret de sa destinée. Puis venaient l’heure du départ, les recommandations de Mercedes, les assurances de se retrouver le lendemain. George accompagnait les deux sœurs jusqu’à leur demeure, pendant qu’Itza restait avec Fernand. Le soir, il entretenait son cousin des incidens de la journée ; il lui parlait de dona Mercedes. Fernand l’écoutait sans se lasser jamais, heureux d’entendre prononcer le nom de celle qu’il aimait.
Mercedes avait insisté auprès des jeunes gens pour les faire renoncer au projet de poursuivre leurs recherches. Elle ne se pardonnait pas le malheur qui avait failli coûter la vie à Fernand et elle se sentait prise d’une sorte de crainte superstitieuse qu’avivait encore le curé Carillo. Toutefois elle n’avait rien pu obtenir ; l’insuccès des fouilles dirigées par George ne semblait pas ébranler sa confiance. Carmen avait raconté à sa sœur sa conversation avec George et Fernand et les détails, bien vagues pourtant, qu’elle leur avait communiqués. Elle la pressait de les compléter ; pouvait-elle douter d’eux maintenant, et elle-même, Carmen, devait-elle être tenue dans l’ignorance de ce qui la touchait de si près ? George et Fernand la priaient aussi. — Mercedes hésitait, un incident fit cesser son irrésolution.
Fernand commençait à se lever. Un matin, Mercedes et Carmen le trouvèrent assis sur la terrasse ; la fièvre avait entièrement disparu. George et Carmen projetaient depuis quelques jours une excursion dans la forêt, Itza devait les accompagner. Plusieurs