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contre ce qu’elle appelle un préjugé de l’ancienne philosophie dont le maître n’aurait pas su se défendre. Mais l’entêtement systématique a peine à résister à l’évidence des faits. M. Vulpian, qui n’est pas suspect de préoccupations ontologiques, n’en reconnaît pas moins que la plupart des actes réflexes sont en réalité des mouvemens défensifs. Qu’est-ce que l’éternument ? N’est-ce pas une sorte de réaction tendant à expulser la cause d’irritation qui agit sur la membrane pituitaire ? Qu’est-ce que la toux plus ou moins répétée ? Qu’est-ce que le vomissement ? Tous ces mouvemens réflexes n’ont-ils pas pour résultat de débarrasser les voies respiratoires ou l’estomac des corps qui les irritent ? Enfin le cri réflexe lui-même n’est-il pas en quelque sorte un mouvement de conservation[1] ?

Nous ne suivrons pas M. Chauffard dans ses savantes explications des phénomènes pathologiques, tels que les fluxions, congestions, inflammations, qu’il oppose aux théories de la physiologie mécaniste, en faisant voir comment rien ne s’explique, en la maladie, par pure transformation du mouvement, tandis que tout devient clair et simple dans la doctrine qui fait intervenir l’action spontanée de la cause vivante dans la naissance et l’évolution des phénomènes de ce genre. Il serait plus de notre compétence et de notre goût d’entrer avec lui dans l’analyse de certains phénomènes de la vie dont les philosophes ont fait l’objet spécial de leur étude, par exemple de la fatigue et de l’habitude. Mais les limites étroites de ce travail ne nous permettent que de courtes réflexions sur cet intéressant sujet. Le monde des forces physiques, dirons-nous avec M. Chauffard, ne connaît ni la stimulation, ni la fatigue, ni l’habitude. Le mouvement se communique et se transmet avec une équivalence parfaite sans qu’aucune stimulation intervienne, sans qu’aucune fatigue soit ressentie, sans que l’habitude arrête ou facilite cette transmission. Stimulation, épuisement, fatigue, habitude, impliquent des états déterminés qui ne se conçoivent que dans les forces douées de spontanéité, dans ces forces que l’être vivant tire de son propre fonds. On ne peut expliquer ces phénomènes par l’altération de la matière organique. Qu’un muscle dans lequel on injecte de l’acide lactique soit impropre à fonctionner, il ne s’ensuit nullement que la fatigue résulte de l’action de l’acide. Ce serait prendre l’effet pour la cause. C’est parce que le muscle est fatigué qu’il devient acide ; la fatigue reste le fait antérieur ; elle est la cause, et l’acide lactique l’effet. L’habitude est un autre phénomène de l’être vivant entièrement étranger au monde des forces physico-chimiques. Elle excite et modère tout à la fois la

  1. Leçons sur la physiologie du système nerveux, dix-neuvième leçon.