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qui avec ses troupes occupe une bonne position dans le voisinage de Magdala et surveille de là les agissemens d’Imamou Ahmédé. Mohammad Ali a épousé une fille de la reine, issue d’un premier mariage, et cette union fait de lui un des personnages importans du royaume. D’après les renseignemens qu’il nous communiqua, Imamou Ahmédé, ayant appris qu’une armée, en tête de laquelle marchaient des Français, était partie de Woreillou dans la direction de Magdala, s’était prudemment retiré sur la montagne avec son armée. Nous décidons en conseil de pousser jusqu’à Magdala, on lève le camp, et après quelques heures de marche nous apercevons, à 8 ou 10 kilomètres de distance, la fameuse amba, posée sur un haut plateau, au centre d’une vaste plaine ; avec ma lunette d’approche, je distingue fort bien les remparts, les maisons, les mouvemens des hommes sur le plateau ; eux aussi devaient nous voir avec nos chemises rouges. Me bornant au rôle qui m’avait été fixé par le roi, je fis placarder sur un rocher qui faisait partie des premières assises de la montagne une proclamation écrite en amarina sur un vaste carré de toile blanche ; j’écrivis aussi à Imamou Ahmédé une lettre en français et en amarina l’exhortant à la soumission et l’assurant par avance de la clémence du roi. Un cavalier se chargea de faire parvenir cette lettre qui devait donner à réfléchir au chefta, entouré comme il l’était d’ennemis plus puissans que lui. Ma mission était finie ; mais avant de redescendre dans la plaine mes hommes voulurent faire une démonstration à laquelle je ne m’opposai pas ; ils tirèrent une salve de trois coups de mousquet chacun et nous reprîmes en bon ordre la route de Woreillou. Nous y arrivâmes dans l’après-midi du dimanche, et le roi, à qui je rendis compte de ma mission, en parut satisfait. D’autre part, les deux faux marchands qui avaient été envoyés dans le camp de Kassa étaient également de retour ; Kassa n’avait nullement l’intention de faire la guerre à Minylik ; son armée manquait de vivres, et lui-même avait appris que des Français étaient arrivés au Choa avec des armes. Il venait pour s’entendre avec son voisin et conclure un traité de paix en ayant bien soin de délimiter les frontières de chaque royaume dont l’incertitude avait été jusqu’alors la cause de toutes les difficultés. En effet des ambassadeurs envoyés par Minylik se mirent en route ; trois mois après, la paix était signée et jurée. »

Le roi, absorbé par les affaires politiques, n’avait pas eu encore l’occasion de présenter son hôte à la reine sa femme. La fête eut lieu dans la soirée du mardi et fut des plus brillantes ; une multitude de torches éclairaient la salle toute tendue de tapis et faisaient valoir le riche et original costume des grands et des généraux groupés autour de leur souverain. Pendant deux heures et plus, on causa de Paris, des chemins de fer, du télégraphe, de l’imprimerie, de