réfugiés français. Madame le sait fort bien : « Presque tous les anciens serviteurs de notre cour de Heidelberg sont allés dans le Brandebourg et à la cour de Berlin. L’on peut dire de cette cour, avec La Fontaine, La fromy n’est pas prêteusse. On dit que le roi rit tout le premier de sa parcimonie. »
Ces citations nous montrent assez que la Palatine est restée fortement attachée à ses compatriotes, qui au fond sont encore ses coreligionnaires. Que n’a-t-elle pas dû souffrir en voyant la révocation de l’édit de Nantes, les dragonnades, les persécutions sans fin et sans trêve auxquelles sont exposés ceux de la religion prétendue réformée en France ? Et faudrait-il d’autres raisons encore pour expliquer sa haine contre Mme de Maintenon, une convertie, elle aussi, mais une convertie qui, loin de garder un certain attachement pour ceux dont elle a partagé les croyances, les laisse persécuter à outrance et même, à tort ou à raison, passe pour conseiller et inspirer les mesures les plus cruelles que l’on édicté contre ses anciens frères. Il en est de même de sa haine contre les prêtres et les moines, Le mal qu’elle voit faire sur la fin de sa vie « par les prêtres de Neubourg et d’Autriche » dans son pays natal n’a dû que rendre plus forte encore l’aversion que lui inspiraient les procédés de certains d’entre eux.
D’ailleurs elle n’en veut pas à tous les ordres religieux indistinctement ; elle ne comprend pas, il est vrai, qu’on entre dans les ordres, et quand la deuxième fille du régent, Madame d’Orléans, prend le voile et devient abbesse de Chelles, elle en est outrée, mais elle visite souvent les carmélites de Paris ; elle y va à compiles et au salut le jeudi saint, elle assiste aux ténèbres, se promène dans leur jardin. « Les amandiers sont en pleine floraison, les abricotiers et les pêchers commencent à fleurir. Je crains bien qu’une gelée ne gâte tout cela ! Nos carmélites, que Mme de Berry et moi allons voir souvent, n’ont rien de papelard ; n’était leur habit, on s’imaginerait être avec des femmes du monde, car elles parlent et raisonnent de tout sans façon. » Quand elle quitte Paris pour aller passer l’été à Saint-Cloud, son séjour de prédilection, elle ne manque pas d’aller leur faire ses adieux. C’est qu’aussi « les carmélites ne prennent pas de pensionnaires ; tous les autres couvens qui en ont sont pleins de tels vices et de telles débauches qu’on est saisi d’horreur rien que d’y songer. » Elle ne veut pas trop de mal non plus aux capucins ; elle va les voir à Meudon. Ils ont, il est vrai, : une religion par trop sotte, dit-elle, ce sont de vrais moulins à prières, mais, pris isolément, ce sont de braves gens. Ils n’ont qu’un tort à ses yeux ; c’est d’être les laquais des jésuites et défaire tout ce que ceux-ci veulent. Or les jésuites sont, après Mme de Maintenon, ce que Madame déteste le plus au monde.