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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/237

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hommes de raison, de bonne volonté sincère et d’intentions éclairées, représentant dans ce qu’elle a de plus vraie et de plus honorable cette « harmonie des pouvoirs » dont on parle si souvent, ce ministère n’est pas facile à remplacer. Des critiques de détail ne changent pas le caractère essentiel d’un cabinet, qui à travers tout reste le médiateur le plus sérieux et le plus autorisé, qui est peut-être plus nécessaire encore dans les circonstances nouvelles qu’il ne l’a été jusqu’ici. M. Dufaure, s’il le veut, aura sans aucun doute pour lui la majorité nouvelle du sénat ; il en est d’avance le représentant et pour ainsi dire le mandataire au pouvoir : il lui promet l’autorité de son nom et de son caractère, la garantie de sa loyauté, de la constance de ses opinions, de même que les collègues de M. Dufaure promettent à la majorité sénatoriale le zèle d’hommes distingués, dévoués au bien public.

C’est une première assurance, — et pour obtenir une certaine majorité dans l’autre chambre, le moyen le plus sûr que le ministère ait à sa disposition, c’est de ne point hésiter dès le début, d’aller au-devant des difficultés, d’aborder sans détour des questions dont on peut essayer de l’embarrasser, qui ont une importance plus factice que réelle, qui font souvent plus de bruit qu’elles ne valent. Nous parlions récemment des mauvaises apparences qui s’interposent trop fréquemment entre le pays et la bonne politique qui servirait ses intérêts, qui lui assurerait des conditions favorables à un essor régulier, continu. Le ministère, fidèle à lui-même, à ses intentions évidentes, à ce qui a été sa raison d’être, n’a qu’à se préoccuper sans cesse de dissiper ces mauvaises apparences en montrant que la république n’a rien à gagner à s’embarrasser de toute sorte de questions artificielles et irritantes qui peuvent flatter des passions de partis, qui ne répondent pas aux instincts vrais du pays. Son programme à l’intérieur est par la nécessité même des choses celui d’une politique modérée, et c’est le seul qui puisse venir en aide, donner une autorité réelle à cet autre programme de la politique extérieure que M. le ministre des affaires étrangères s’est plu à exposer dans une des dernières séances du sénat. M. Waddington a tracé avec une simplicité sincère un tableau rassurant de nos affaires et de nos relations depuis le congrès de Berlin. Plus que tout autre, M. le ministre des affaires étrangères a besoin de se sentir appuyé sur une bonne politique à l’intérieur pour pouvoir maintenir la France en paix et en crédit au milieu des guerres qui se poursuivent au loin, des difficultés qui compliquent encore l’exécution du traité de Berlin et des mille questions qui agitent les autres pays de l’Europe.

La crise qui est venue assombrir les dernières semaines de l’année pour l’Italie s’est provisoirement dénouée par un changement de ministère qui a ramené au pouvoir M. Depretis à la place de M. Cairoli. Dès l’ouverture du parlement, au lendemain de l’attentat dont le roi Humbert a failli être victime à Naples, le cabinet Cairoli semblait déjà