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de côté. Un ancien ministre, M. Jacini, s’en est occupé dans ses travaux sur la vie agricole en Lombardie. M. le professeur Villari a décrit cette plaie dans des études du plus vif intérêt. Un journal bien inspiré, l’Italie, consacrait récemment une série d’articles à cette question qu’un député portait, il y a quelques jours, devant le parlement. C’est là le mal qui produit le brigandage, l’émigration, qui livre à toutes les propagandes des populations sans défense naturellement peu portées à s’intéresser aux compétitions de pouvoir, aux jeux des partis. C’est là ce dont on devrait s’occuper dans l’intérêt de l’Italie et de son avenir, pour la consolidation définitive de sa fortune nouvelle.

Parfois, tandis que ces choses du moment se déroulent et que les hommes du jour se succèdent occupant ou troublant la scène de leurs querelles éphémères, on se reprend à tourner les regards vers le passé, un passé d’hier qui est pourtant déjà de l’histoire. Passé politique, passé social, passé littéraire, c’est tout un monde qui a ses personnages, qui a eu ses drames ou ses comédies et que nous rendent des écrivains habiles, M. Saint-René Taillandier avec son livre sur Stockmar, sur le Roi Léopold et la reine Victoria, M. Cuvillier-Fleury avec ses études nouvelles sur les Posthumes et revenans.

Ce personnage, ce Stockmar, qui remplit le livre de M. Saint-René Taillandier, on le connaît pour avoir suivi son histoire ici même : c’est un simple docteur allemand qui était né à Cobourg à la veille de la révolution française et qui est revenu mourir à Cobourg après avoir vécu soixante-seize ans, après avoir passé cinquante années de sa vie dans les plus grandes affaires. Officiellement il n’a jamais rien été, ni un politique attitré, ni un ministre, ni un diplomate ; c’était un de ces hommes faits pour être des témoins attentifs, des observateurs sagaces, des conseillers expérimentés. Il a été de toutes les intimités princières, ami du sage Léopold de Cobourg, premier roi de Belgique, et par Léopold de la famille royale d’Angleterre, ami du prince Albert, de la reine Victoria, ami du spirituel et fantasque Frédéric-Guillaume IV de Prusse. Il a eu sa place, une place privilégiée dans la carrière de ces princes, pour qui il a été un confident sûr, un politique consultant encore plus qu’un médecin ; il a pu tout voir, il a été mêlé à tout, il a eu son mot sur tout, et après une longue vie qu’on ne peut pas appeler une vie publique, mais qui côtoie les événemens, il a laissé des lettres, des souvenirs qui ont leur prix, qui révèlent une nature originale d’observateur. C’est en se servant avec sûreté de ces souvenirs de Stockmar, en les rectifiant souvent ou en les complétant, en les éclairant, en les prenant comme une sorte de fil conducteur que M. Saint-René Taillandier, d’une plume habile, s’est plu à retracer dans une série de tableaux tous ces épisodes, — et le procès de la reine Caroline, et la création du royaume de Grèce, et la fondation de la Belgique, et le mariage de la reine Victoria, et les rapports de l’Angleterre avec la France à la