Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le passé, mais de recueillir et de garder un peu de l’esprit, du goût, de l’urbanité ou de la candeur libérale de ce monde des revenans, de la société d’autrefois. Ce ne serait rien de trop ni dans la littérature, ni même dans la politique.


CH. DE MAZADE.


LIVRES D’ART.


I. Hans Holbein, par Paul Manti, eaux-fortes d’Edouard Lièvre, gr. in-fol. ; A. Quantin, — II. Sahara, et Sahel, par Eugène Fromentin, édition illustrée de gravures et de bois, d’après Fromentin, gr. in-8o ; Plon. — III. Roland furieux, illustré par Gustave Doré, in-folio ; Hachette.


Chacun possède les œuvres d’Homère, de Shakspeare, de Molière, de Victor Hugo ; pourquoi n’aurait-on pas aussi à portée de la main, ou pour mieux dire à portée des yeux, l’œuvre de Raphaël, de Léonard, de Titien, de Delacroix ? Ainsi la bibliothèque se doublerait d’un musée. C’est un tel musée dont M. A. Quantin a eu l’idée et qu’il inaugure par la publication du Hans Holbein. On peut prédire un succès sérieux à cette série d’importantes monographies, si les volumes qui suivront le Holbein sont édités avec le même luxe de haut style, si les gravures sont choisies avec le même goût, gravées avec le même art, si enfin le texte est confié à des écrivains tels que M. Paul Mantz, d’une science spéciale et d’un esprit profondément juste. M. Paul Mantz raconte la vie d’Holbein, décrit son œuvre, étudie son talent avec la circonspection, la sûreté de critique et le sentiment intime des choses de l’art qui lui sont habituels. Celui-là certes n’avance pas un fait qui tienne de l’hypothèse, et n’exprime pas une idée qui touche au paradoxe.

Holbein naquit à Augsbourgen 1497. Son père était Hans Holbein le vieux. Holbein devint très jeune un peintre habile. On lui attribué des œuvres datées de 1512, — il n’avait que quinze ans, — et les portraits qu’il fit en 1516 du bourgmestre Meïer et de sa femme portent déjà la marque d’un maître. Il était alors à Bâle, ayant quitté Augsbourg on ne sait pour quel motif. Ce premier séjour à Bâle fut fécond en œuvres de toute sorte. Il peignit des tableaux et des portraits, des boucliers et des enseignes ; il orna de frontispices les livres de Fröben, il composa dix grands dessins d’une Passion pour les maîtres verriers, il dessina ses célèbres Simulacres de la mort, il décora de sujets héroïques les salles du conseil de l’hôtel de ville de Bâle. Mais si, comme est tenté de le croire M. Paul Mantz, il faut reporter à une époque plus avancée de la vie d’Holbein l’admirable portrait d’Érasme du Louvre, toutes les œuvres de cette période sont dominées par le Christ mort du musée de Bâle. Cette étude de cadavre, d’une savante et virile exécution, a le poignant