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grand’chose. Nue et marécageuse, la partie méridionale de la plaine de Thessalie ne diffère pas de ce que j’ai vu au nord de Larisse. Dernier repas dans une grange, au khân de Géréli ; à l’aube, nous franchissons les collines qui forment le bourrelet sud de ce bassin lacustre : enfin, de leur sommet, je salue le chemin de la fuite, la mer, encadrée dans les montagnes du golfe de Volo, reflétant au-dessous de moi les blanches maisons du petit port.


Volo, le Pélion, Portaria, Macrinitza.

C’est une marine, comme on dit dans le Levant, assez coquette, avec ses villas ouvrant sur la plage, habitées par les courtiers qui tiennent dans leurs mains le commerce de la Thessalie : un château turc sur un monticule couve jalousement la ville rassemblée sous sa garde ; à gauche le Pélion couvre la baie de sa grande ombre, il s’avance dans la mer à la suite de l’Ossa, dont il semble le frère jumeau ; c’est la dernière branche projetée au sud par le massif central de l’Olympe. Sur les flancs vigoureusement boisés de la montagne, de gros villages blanchissent d’un air riant dans des îlots de verdure. Aucun vapeur n’étant attendu avant une semaine, notre consul me propose d’aller visiter, pour me remettre, ces villages du Pélion ; l’air salubre de ces hauteurs est le grand remède des gens de Volo, en proie, eux aussi, aux miasmes que dégage cette anse vaseuse et peu profonde. Voici d’ailleurs que les souffles du large et la confortable hospitalité d’un ami m’ont déjà fait oublier mes misères. On part à dos de mulet et on gravit entre des vergers pittoresques, des vignes, des mûriers, les raides escarpemens qui mènent à la région des forêts. Ces sentiers ne sont guère praticables aux chevaux ; on s’étonne d’abord qu’une population nombreuse soit ainsi isolée de son port naturel ; on est vite conduit à supposer que cette population n’a rien fait pour faciliter ses communications avec la plaine, c’est-à-dire avec les Turcs : calcul qui ne manque pas de subtilité. La civilisation, qui ne va guère à dos de mulet, n’est pas encore montée dans le Pélion : ne nous en plaignons pas ; presque partout, dans ces pays d’Orient, où elle a été importée tout d’une pièce, sans préparation, elle a commencé par déposer son écume, qu’il est facile de saisir, avant de livrer ses trésors, qui exigent un rude labeur. Loin d’elle, ces familles de la montagne ont gardé une bonne grâce patriarcale, une aisance facile, des mœurs pures, je ne sais quoi de prévenant et d’heureux qui me rappelle l’excellente impression recueillie à Ambélakia. Ce que j’ai dit des gens de l’Ossa peut s’appliquer exactement aux gens du Pélion ; c’est la même race, avec les mêmes qualités, dans les mêmes