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d’eux ; mais je vas lui écrire pour lui souhaiter sa bonne année, et peut-être qu’il me répondra. » Je ne sais pas ce qui est le plus triste de ces expériences précoces ou de ces abandons contre nature.

Ne cherchons pas cependant à dissimuler que chez quelques-uns de ces enfans on trouve des instincts de perversité et de rébellion qui donnent de singulières craintes pour leur avenir. Dans ces dernières années, la Petite-Roquette a reçu des assassins, des faux monnayeurs, et même des chefs de bande. J’y ai vu un enfant de neuf ans qui a déjà été arrêté huit fois et qui ne veut absolument pas rester à la maison paternelle, où il ne parait pas cependant qu’il endure de mauvais traitemens. La catégorie des enfans qui demeurent le plus rebelles aux bonnes influences est celle des enfans détenus par voie de correction paternelle. Ces enfans appartiennent presque tous à la classe ouvrière de Paris, M. Demetz ayant annexé à la colonie de Mettray une maison dite : Maison Paternelle, où sont reçus les enfans des classes aisées ; or, dans le peuple, les parens ne se résignent à user de cette punition, qui entraîne pour eux des démarches, des allées et venues, et même en principe certaines dépenses, qu’après avoir épuisé tous les moyens d’influence, depuis les larmes de la mère jusqu’à la correction manuelle du père. Ce sont donc des natures d’enfans excessivement rebelles et que n’ont pas corrompues la négligence ou le mauvais exemple des parens. De plus, ces enfans de la correction paternelle forment dans la Petite-Roquette le groupe le plus âgé, puisque leur détention peut être ordonnée jusqu’à vingt et un ans. Il y a là des garçons de dix-huit ou dix-neuf ans qui sont presque des hommes faits et qui supportent la cellule beaucoup plus difficilement que les enfans. La solitude est cependant le seul moyen de les briser et d’acquérir sur eux quelque influence. M. Demetz le savait bien, car lui, le créateur de l’éducation correctionnelle en commun, c’est au système d’une détention strictement cellulaire qu’il soumettait les enfans de la Maison Paternelle. Je ne voudrais cependant pas répondre que ce système soit très efficace sur ceux que l’on détient à la Petite-Roquette. Mais c’est en tout cas le seul qui soit rationnel, et celui de la détention en commun ne ferait que les corrompre davantage. C’est ce que je montrerai dans une prochaine et dernière étude qui sera consacrée à la criminalité chez les jeunes filles, ainsi qu’aux mesures qui sont prises pour faciliter la rentrée des enfans de l’un et de l’autre sexe dans la vie régulière au moyen du patronage. J’aurai ainsi suivi sur la route de la misère toutes les étapes de l’enfance et de la jeunesse depuis l’hospice jusqu’à la prison.


OTHENIN D’HAUSSONVILLE.