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de vapeur ; l’eau en est savonneuse comme si elle contenait de la potasse ; à cinq ou six lieues de Fentaleh, on trouve un lac de même nature. Ici s’étendent des plaines immenses où les lions, les éléphans, les buffles, les zèbres, les autruches, vaguent en liberté. Il eût fallu, pour nous rendre à la montagne, passer la nuit en cet endroit ; mais mon escorte s’élevait à plus de deux cents hommes, et je n’avais pas assez de vivres pour tout ce monde. D’ailleurs il paraît que les fièvres sévissent régulièrement dans le pays pendant trois mois de l’année ; l’emplacement ne pouvait donc me convenir pour ma future installation, et nous résolûmes avec Ato Sartier, chef de mon escorte, de retourner sur nos pas. Nous arrivâmes à la nuit sur les hauteurs de Dadothé, où nous passâmes la journée du 30 ; une troupe de gazelles de la grosse espèce osa s’approcher des maisons où nous étions cantonnés ; on en tua une à coups de lance, quelques autres furent blessées. Le 31 mars, nous reprîmes la route de Finfini ; nous repassâmes en amont la rivière Kassem et fîmes halte à l’ombre de tamariniers de haute futaie. Mes hommes s’amusent à pêcher du poisson, mais en prenant bien garde aux crocodiles, fort nombreux dans ces eaux ; je fais ramasser deux tortues énormes qui se promenaient tranquillement dans l’herbe au bord du fleuve. Nous atteignons à la nuit les hauts plateaux du pays galla ; on couche à Gaogao.

« Le 1er avril, nous entrons dans le Mingiar, un des plus beaux pays du monde et d’où le roi tire de grandes quantités de blé et de céréales pour ses magasins. Nous sommes reçus par le gouverneur Ato Goucho d’une façon vraiment princière : un splendide bœuf gras et plusieurs moutons sont immolés pour mon repas et celui de mon escorte. Nous passons la nuit à Hourvet. Le lendemain, Ato Goucho nous donne des guides, et, pour nous faire honneur, vient nous accompagner lui-même un bout de chemin. Après douze heures de marche, nous arrivons le soir, toujours dans le pays galla, chez Abba Woalo, gouverneur général de toute la contrée. Mongissiot, — c’est le nom de l’endroit, — n’est pas loin de Rogué et du domaine d’Azadj Woldé Tsadek, que je rejoindrai demain.

« 3 avril. J’ai passé toute cette journée auprès de mon vieil ami. Le 4, je me remets en route avec une nombreuse escorte de cavaliers, Azadj Woldé Tsadek en tête. Arrivée à Finfini, où m’attendaient Mgr Taurin et le père Ferdinand, missionnaire. Je congédie une partie de mon monde que j’irai rejoindre à Rogué ; nous sommes ici à une journée de distance du fleuve Aouach, vers sa source. Finfini est le nom des eaux thermales, la contrée s’appelle Berbecha. Une haute montagne, en forme de fer à cheval, domine le pays ; là se trouvent les mines de fer que je désirais visiter. Mgr Taurin m’y conduisit lui-même avec quelques domestiques.