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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/432

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Afrique, les exploits d’Hamilcar Barca, père d’Hannibal, et le traité de paix qui mit fin à la guerre.

L’armée romaine, qui comptait entrer à Messine pour aider les Mamertins à se défendre contre les Syracusains et les Carthaginois, trouva la ville occupée par ces derniers. C’est que, pendant les délibérations du sénat et du peuple romain, le parti mamertin qui tenait pour Carthage avait pris le dessus. Les généraux romains voulurent alors sauver les Mamertins malgré eux. Ils attirèrent Hannon, le chef carthaginois, dans une entrevue, le firent prisonnier traîtreusement et le forcèrent sous peine de mort à ordonner la reddition de Messine. La lutte entre Rome et Carthage commença donc par une insigne perfidie romaine ; Hannon fut crucifié à Carthage. Hiéron se fit battre, réfléchit et acheta fort cher l’honneur de devenir l’allié de Rome. Les Carthaginois furent battus aussi à Agrigente, et les Romains parcoururent en vainqueurs l’île entière. Bientôt leurs ennemis n’eurent plus à eux que les forteresses maritimes de la pointe occidentale. Mais les Romains s’aperçurent bientôt que leur conquête n’était qu’apparente. La flotte carthaginoise bloquait tous les ports. Des forteresses et des vaisseaux puniques sortaient continuellement des bandes armées qui faisaient des incursions pillardes et ne laissaient pas aux Romains une heure de repos. Il fallait où abandonner la Sicile ou se procurer une grande flotte capable de se mesurer avec la flotte africaine ; et c’est précisément ce qui leur manquait.

Polybe, à qui nous devons les renseignemens les plus sûrs en tout ce qui concerne les guerres puniques, a quelque peu exagéré l’inexpérience des Romains en fait de guerre maritime. Ils avaient déjà réprimé sur mer les pirateries de quelques peuples italiens. Un traité de commerce très curieux, conclu un siècle auparavant entre Rome et Carthage, stipule que les navires romains ne pourront trafiquer sur les côtes de la petite Syrte, de l’Atlantique, de la Corse et de la Sardaigne. Il y avait donc déjà une marine romaine. Ce qui est vrai, c’est que Rome n’était pas encore une puissance maritime et qu’elle était obligée de le devenir en quelque sorte d’un jour à l’autre. Sans doute les conditions de la guerre navale étaient alors tout autres qu’aujourd’hui ; mais Carthage avait su les rendre difficiles : elle avait substitué à la trirème grecque ou la nef aux trois bancs de rameurs, la quinquérème ou galère à cinq bancs. Une rapidité plus grande, une masse plus écrasante, un nombre plus élevé de combattans, tels étaient les avantages de cette nouvelle invention ; mais ces énormes machines exigeaient des marins et des pilotes très expérimentés. Rome n’en avait pas ou n’en avait que très peu ; elle n’avait pas même de modèle pour