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gens assurément estiment qu’en 1878 Hernani, par exemple, n’a pas laissé de paraître un peu trop souvent sur l’affiche de la Comédie-Française. La faute en était à l’exposition. Aussi bien, à tout prendre et si seulement on n’y regarde pas de très près, l’affiche hebdomadaire semble assez variée. Le Jeu de l’Amour et du Hasard, — On ne badine pas avec l’amour, — le Fils naturel, — Andromaque avec le Dépit amoureux, — le Fils naturel, de nouveau, — les Femmes savantes avec le Médecin malgré lui, — derechef le Fils naturel, — enfin Horace, médiocrement joué d’ailleurs, avec le Malade imaginaire, convenablement interprété : voilà le programme de l’une des dernières semaines, et quoiqu’à vrai dire, parmi tous ces chefs-d’œuvre dans des genres différens, le Fils naturel, les Aristide Fressard et les Clara Vignot fassent piteuse figure, on ne voit pas d’abord qu’il y ait lieu de se plaindre. Seulement toutes les semaines ne ressemblent pas à cette semaine heureuse : ainsi du dimanche 5 au samedi 11 janvier ; la Comédie-Française a donné quatre fois le Fils naturel, deux fois les Fourchambault, une fois l’Étrangère. Voilà bien du moderne, et, pour le répertoire, une semaine désastreuse. Aussi d’une telle combinaison résulte-t-il, que l’affiche annuelle n’est pas tout à fait aussi variée que l’affiche hebdomadaire. Combien de pièces du répertoire, en effet, — je dis du répertoire de premier ordre, — combien de tragédies de Corneille ou de Racine, combien de comédies de Molière, au pied levé, du jour au lendemain, sur une invitation d’en haut, M. Perrin pourrait-il jouer ? J’en vois bien une douzaine en tout, et toujours les mêmes. M. Perrin pourrait-il donner Pompée ? Bérénice ? Bajazet ? Iphigénie ? pourrait-il donner seulement Don Juan ou le Bourgeois Gentilhomme ? Comme si cependant la Comédie-Française, d’une manière ou de l’autre, mais à tout prix, ne devait pas tenir à honneur de faire passer sous les yeux du public, dans l’espace de l’année, tous les chefs-d’œuvre du grand répertoire, et comme si ce n’était pas là d’abord le but de son institution.

Il convient de s’entendre sur le mot. Certainement on ne parle pas de remettre Corneille tout entier à la scène. Nous ne demandons à voir ni Pertharite, ni Suréna. Le génie de Corneille était singulièrement inégal, et l’on peut dire que l’auteur du Cid a passé pour le moins une bonne moitié de sa vie littéraire à se chercher lui-même sans se retrouver. Il serait d’ailleurs très utile qu’un homme d’expérience et de goût offrît de loin en loin aux curieux de littérature le régal d’une reprise de Sertorius ou de Nicomède. Le Théâtre-Français n’aurait, lui, rien à gagner dans cette voie, pas même de bonnes recettes ; Corneille, le répertoire, les acteurs auraient tout à y perdre. Cependant aux quatre chefs-d’œuvre consacrés, et mettant à part le Menteur, il y aurait des motifs de joindre au moins Rodogune et Pompée. Presque pendant tout le XVIIIe siècle, Rodogune a passé pour le