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d’agens de toute nature à proposer aux ministres. Il n’est occupé que de la petite sphère de son arrondissement ou d’un intérêt de parti ; mais le gouvernement a dans ses mains l’administration du pays tout entier, il représente l’intérêt général. Il est obligé de s’occuper de toutes les nécessités d’immenses services publics, de tenir compte de mille considérations, souvent des droits d’une longue carrière consacrée à l’état. C’est là après tout une affaire de confiance, et franchement le choix de quelques fonctionnaires peut-il être un motif suffisant pour déterminer la conduite d’une majorité à l’égard d’un ministère ? N’est-on pas frappé de la singulière disproportion entre les griefs qu’on invoque sans cesse et les dangers auxquels on s’exposerait par des crises de gouvernement suscitées pour des raisons futiles ?

C’est là justement la question qui est au fond de tout et qui va s’agiter dans les discussions prochaines des chambres. Le ministère, tel qu’il est, a sans doute bien d’autres titres à la confiance d’une majorité sérieusement préoccupée des affaires du pays ; mais ceux des républicains qui ont l’humeur aventureuse, qui ne craindraient pas de tout risquer pour imposer leur programme, doivent réfléchir sur ce point grave. Qu’ils y prennent garde : la république est arrivée à une heure décisive. Les dernières élections ont déterminé un mouvement réel de confiance à l’intérieur et à l’étranger parce qu’on y a vu la paix entre les pouvoirs, le commencement de l’ère définitive et régulière de la république. Qu’on provoque des crises ministérielles, le mouvement de confiance s’arrête instantanément. Ce n’est peut-être pas encore une défiance complète ; mais on rentre dans l’inconnu, dans l’indéfini. Tout est en suspens. Ce n’est pas au milieu de l’incertitude universelle que peuvent s’accomplir les travaux entrepris par M. de Freycinet, les projets d’opérations financières préparés par M. Léon Say. Ce n’est pas entre deux crises qu’on peut s’occuper des intérêts du pays laissés en souffrance par la disparition successive de tous les traités de commerce. Et à l’étranger la confiance qu’on témoignait déjà redevient un scepticisme dédaigneux. On attend et on nous regarde : la république y aura-t-elle beaucoup gagné ?

Il y a toujours dans les affaires du monde ce qu’on peut appeler les grandes questions, les questions qui touchent à la situation générale de l’Europe, aux intérêts supérieurs et permanens des peuples, aux relations des gouvernemens, et il y a les incidens qui, sans avoir par eux-mêmes une importance sérieuse, peuvent être un embarras ou un ennui d’un moment.

La plus grave des questions internationales, celle qui a éclipsé ou résumé un instant toutes les autres et qui a pesé sur l’Europe jusque vers le milieu de l’année dernière, est visiblement entrée depuis quelque temps dans la phase de l’apaisement, des transactions et des combinaisons pratiques. L’exécution du traité de Berlin peut marcher