Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serai aux pays que j’ai vus dans la géographie. » D’autres ont des raisons plus modestes et plus naïves : « J’aime le mouvement de la boutique. » — « J’aime à voir le monde. »

Enfin il est un certain nombre de jeunes filles qui, soit par vocation naturelle, soit en raison de conditions de famille un peu supérieures, élèvent leurs prétentions au-dessus des métiers et vont jusqu’aux arts. Quelques-unes veulent être peintres sur porcelaine : « J’aime les arts, » dit l’une ; une autre : « tout ce qui est beau me séduit. » Une ou deux seulement portent leur ambition encore plus haut : « N’ayant que six ans, dit l’une d’elles, j’allais tous les dimanches au Louvre ; j’admirais les tableaux peints par les grands hommes, et je me disais : Quand je serai grande, je tâcherai d’imiter tout ce que je vois. De jour en jour, ce désir a grandi, et mes parens veulent bien m’y aider. » Une autre s’exprime avec plus d’enthousiasme encore. Celle-ci a lu ; elle connaît la langue littéraire, et elle parle un peu comme un livre : « Je voudrais imiter, dit-elle, les grands peintres de l’art, les Zeuxis, les Apelle. Je suis pourtant bien loin d’eux. Que mes projets ambitieux ne vous fassent pas sourire ! Je ne pourrai certainement pas acquérir le génie et la gloire des Michel-Ange et des Raphaël, des Poussin et des Diaz ; mais peut-être la Providence voudra-t-elle m’accorder les dons dont elle a doté Rosa Bonheur, et une gloire semblable à la sienne sera peut-être mon partage. Si vous me demandez les raisons qui me déterminent à choisir cette carrière, je pourrai vous répondre que c’est une force irrésistible qui m’y entraîne, c’est une vocation où je me sens appelée, et il me faudrait bien des événemens pour m’empêcher de la suivre. N’est-ce pas un vrai bonheur de reproduire sur la toile les scènes sublimes de la nature, la plaine silencieuse, les forêts où murmurent des bruits qu’on ne peut définir, le brillant soleil, ou la solitude calme des nuits éclairée par la pâle lumière de la lune ! » Signalons enfin pour terminer, comme de très rares exceptions, deux ou trois vocations excentriques. L’une voudrait être « écrivain ; je sens, ajoute-t-elle aussitôt, que je suis bien ambitieuse. » Une autre aspire à être « voyageuse ; je voudrais aller dans les pays éloignés et faire pour la science de nouvelles découvertes. » On voit que celle-ci a lu Ida Pfeiffer, et qu’elle ambitionne de l’imiter.

Si nous résumons avec l’auteur du rapport l’impression générale que nous laisse la lecture du tableau précédent, nous dirons qu’elle nous paraît entièrement favorable à ceux qui croient à l’instruction populaire, et qu’elle répond plutôt aux objections que l’on fait d’ordinaire. Si l’on réfléchit en effet, soit sur le choix des professions, soit sur les raisons données pour ce choix, on voit prédominer ou même apparaître sans mélange les idées solides et saines et les