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moins grossières, moins turbulentes ; les filles y gagnent en sérieux, en retenue, en assiduité au travail. Habitués à vivre côte à côte, ils ne sont pas plus en danger que les frères et sœurs dans la famille. Moins on affecte de les séparer, de les cacher les uns aux autres, moins il y a de mystères, et partant de curiosités inquiètes. Enfans, ils ne s’étonnent pas d’avoir en commun le travail et le jeu ; adolescens, ils continuent de se trouver ensemble sans surprise et sans trouble ; ce commerce aimable autant qu’innocent, ne leur étant pas nouveau, n’éveille pas chez eux d’émotions nouvelles. Ainsi se trouve résolu pour l’Américain, par la transition insensible de l’enfance à la jeunesse, un des plus graves problèmes de l’éducation morale. »

Au reste, lors de l’établissement d’un collège de jeunes filles à Ithaca, annexé à l’université Cornill en 1871, une enquête a été faite auprès de tous les établissemens mixtes sur les avantages ou les inconvéniens du système de la coéducation, et à la suite de cette enquête, c’est le régime de la coéducation qui a été appliqué à Ithaca. En effet, toutes les réponses avaient été affirmatives. À la vérité, on ne s’était adressé qu’aux établissemens où la réunion des sexes était pratiquée ; mais c’était là évidemment que les avantages et les inconvéniens de cette réunion ont pu être efficacement étudiés. Agir autrement, disait le rapporteur, c’eût été « comme si des Japonais, pour savoir s’ils doivent établir des chemins de fer et des télégraphes, allaient consulter des savans chinois. » L’enquête fut donc très favorable. Partout des faits nombreux et incontestables étaient allégués par les hommes les plus recommandables et les plus expérimentés, placés dans des conditions très différentes. Partout on affirmait que la présence des jeunes filles avait fait prendre aux étudians « une meilleure tenue, plus d’ordre et plus de suite dans le travail, » et d’autre part que la présence des jeunes gens avait pour effet d’inspirer aux jeunes filles, « au lieu d’airs pédans et hardis, une modestie, une réserve toute féminines sans lesquelles elles savent qu’elles perdraient leur prestige sur leurs jeunes compagnons d’étude. » On objectera sans doute qu’un tel système ne peut manquer d’inspirer à des jeunes gens de sexe différent des sentimens assez naturels et des inclinations particulières. Bien loin de voir là une objection, les Américains y trouvent un des avantages les plus précieux de leur système. « Ce serait un fait contre nature, dit le directeur d’un de ces collèges, s’il ne se formait pas des liaisons de ce genre. Mais il est permis de se demander si ces liaisons pourraient être contractées dans des conditions plus favo-