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préconisait aussi ce système de représentation qui existait dans beaucoup de villes au moyen âge. C’est ainsi qu’en Angleterre encore les universités ont leurs députés spéciaux. Quand il s’est agi en France de la composition du sénat, on a proposé d’y introduire des représentans des grands corps de l’état, ainsi que du commerce et de l’industrie. Quoique cette idée s’éloigne de nos formes de gouvernement, on aurait tort de la rejeter. S’il est vrai que le gouvernement doive être l’expression, non des volontés arbitraires des majorités, mais des lumières, de la sagesse et des vrais intérêts d’une nation, la représentation des grands corps et des grandes industries, au moins dans l’une des chambres, offrirait de sérieux avantages.

Le Staats-Socialist propose comme modèle l’association des conducteurs de locomotives en Amérique. Elle compte cent quatre-vingt-douze « filiales » et quatorze mille membres. Elle a pour base le sentiment chrétien. Sa devise est : Faites aux autres ce que vous voudriez qu’on vous fasse à vous-même. Tel est l’accomplissement de la loi. Les réunions commencent par une prière. La Bible est posée sur la table du conseil. Ceux qui s’adonnent à la boisson sont exclus. L’association possède une caisse d’assurance qui paie 3,000 dollars à la veuve ou aux orphelins d’un membre décédé. Plus d’un million de dollars a été ainsi distribué. Les membres n’ont pris part à aucune grève, mais leur nombre et leur union constituent une puissance avec laquelle les compagnies de chemins de fer doivent compter. L’esprit de corps et le sentiment d’honneur qui en résultent sont une garantie de moralité et de bon travail. Les conducteurs, le public et les compagnies elles-mêmes n’ont qu’à se féliciter de ces heureux résultats, et il serait désirable qu’il se fondât des sociétés semblables dans tous les métiers. Seulement c’est ici une association libre fondée par l’initiative de ceux qui la composent. Si d’autorité l’état voulait en fonder de pareilles, il est à croire qu’il échouerait, et en leur attribuant un monopole, il désorganiserait bientôt l’industrie telle qu’elle fonctionne maintenant. Des tentatives se font actuellement en Allemagne pour rétablir des corps de métiers. Ainsi, à Osnabrück, les artisans ont formé une corporation sous l’inspiration et le patronage du bourgmestre, M. Miquel, et le Staats-Socialist du 5 octobre 1878 en publie les statuts. D’après ce que rapporte le conseiller F. Reuleaux, les horlogers de toute l’Allemagne ont formé une association représentée par une délégation centrale. Ils ont formulé un règlement pour l’admission des apprentis. Ils s’occupent actuellement d’introduire les systèmes de fabrication employés aux États-Unis. Les graveurs, les potiers, les ferblantiers, les ouvriers mécaniciens ont suivi cet exemple. Leur but principal est de former de