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efforts de ces hommes qui se mettent en avant pour défendre tout ce que nous révérons. Il serait à désirer qu’il se formât partout des sociétés locales animées du même esprit. » C’est en effet ce que le parti de la réforme sociale évangélique s’efforça de faire. Il déploya la plus louable activité. Outre les conférences de Berlin, très fréquentes et très suivies, où l’on discutait les différens points du programme, il envoya des missionnaires en province qui provoquaient des réunions, y exposaient le but à poursuivre et fondaient une association locale. Ils parvinrent à former ainsi dans beaucoup de localités des groupes de gens aisés disposés à s’occuper théoriquement et pratiquement de la question sociale. Mais ils eurent beaucoup moins de prise sur la classe inférieure que les cercles catholiques. Obéissant à un mot d’ordre, tous les prêtres catholiques s’étaient mis à l’œuvre, tandis que les pasteurs protestans agissaient isolément et suivant leurs convenances ou leurs convictions.

Les attentats contre la vie de l’empereur et la présentation du projet de loi contre les socialistes mirent le parti social évangélique dans la position la plus délicate et la plus difficile. Ses fondateurs étaient des prédicateurs de la cour : comment ne pas applaudir à l’emploi des moyens les plus énergiques pour combattre ces sauvages qu’un fanatisme féroce et stupide poussait à commettre un crime abominable et en tout cas inutile au succès de leurs desseins ? Le Staats-Socialist s’était proclamé monarchique et conservateur. Pouvait-il repousser une loi présentée au nom des principes qu’il s’était donné pour mission de défendre ? Il l’a fait cependant, et en cela il a montré de la prévoyance et du courage. Il a tiré des attentats la preuve qu’il n’avait pas exagéré le danger de la démagogie socialiste. Il a repoussé la loi contre les socialistes, parce que, sans supprimer le mal, elle le fera disparaître en carence et empêchera ainsi d’y porter remède. Elle aura surtout ce funeste effet, d’empêcher les classes supérieures de remplir leur devoir à l’égard de ceux qui dépendent d’elles. On peut se demander si le Staats-Socialist et le parti social évangélique, malgré ses attaches dans le monde de la cour, échappera aux mesures de rigueur qui frappent partout les associations et les feuilles qui s’occupent de la question sociale. Il semble qu’on veut arriver à faire régner un silence complet sur ce point, afin que la police puisse se vanter ainsi d’avoir établi l’ordre et la paix : silentium pacem appellant.

Si l’on veut se faire une idée complète des tendances et des principes qui ont présidé à la formation du parti social évangélique, il faut lire le livre du pasteur Todt, qui a eu un grand succès et dont deux éditions se sont enlevées en quelques mois : le Socialisme