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d’imitations et d’adaptations. N’y a-t-il pas là une puissance qui mériterait d’être mieux comprise et utilisée ? M. Royer insiste, avec raison sur l’importance de ce pouvoir d’expansion de l’esprit dramatique français. « Ce fait persistant, dit-il, qui se produit en dehors de toute ingérence gouvernementale et qui porte aux extrémités du monde la pensée française, est une des forces vitales qui nous restent. Cette force ne relève que d’elle-même ; elle agit sans que personne songe à l’utiliser pour le bien. Il ne viendra jamais à l’idée de nos modernes Solons de classer parmi les institutions nationales un art qui recevait jadis la suprême direction des premiers magistrats de la Grèce et de Rome, et plus tard du grand roi de Versailles. »

Ce n’est pas ici le lieu de discuter la question de la convenance d’une intervention gouvernementale dans le développement de l’art ; mais l’on ne peut s’empêcher de regretter parfois que les questions d’hygiène et de salubrité publique soient seulement prises au sérieux lorsqu’elles sont du ressort de l’Académie de médecine. Au moins est-ce le devoir de la critique de résister aux entraînemens de la foule. M. Royer s’est acquitté avec beaucoup de bonheur de la tâche délicate de juger ses contemporains sans passion et sans parti pris. Bien qu’il se défende de toute prétention au rôle d’aristarque, et qu’il n’ait voulu être que l’historien fidèle « du mouvement de la pensée humaine dans le théâtre et par le théâtre, » ses appréciations sont dictées par un "sentiment très vif et très ferme du beau, et son ouvrage a une plus haute valeur que celle d’une sorte d’inventaire de la production dramatique.


Étude sur la propriété littéraire, par M. Fernand Worms, 2 vol. petit in-12. Lemerre.

Le procès qui s’est récemment plaidé et dénoué devant le tribunal et la cour d’appel de Paris, entre les éditeurs Charpentier et Lemerre, à propos de l’édition d’André Chénier donnée par son neveu, M. Gabriel de Chénier, a soulevé une importante question de propriété littéraire.

Un des avocats qui avaient instruit la cause, M. Fernand Worms, a jugé l’occasion favorable pour réunir et discuter tous les documens législatifs et judiciaires qui touchent à ce débat. Le premier volume comprend les brillantes plaidoiries prononcées dans cette discussion par plusieurs des maîtres du barreau contemporain et le second une histoire complète des controverses qui se sont élevées entre les jurisconsultes à propos des limites à fixer au droit des auteurs et de leurs ayans droits sur l’œuvre de leur pensée. L’élégance de l’impression et du format n’enlève rien au solide mérite de l’ouvrage, qui fera désormais autorité.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.