renierait-il ces nobles amours ? Il n’a qu’a les compléter par des amours plus hautes, Tel est le sens de ces beaux vers :
……… Docile aux maîtres d’Ionie,
J’ai poursuivi d’amour leur sereine harmonie ;
Sur les pas de la Muse et des Trois Charités
J’ai fréquenté le Pinde et ses bois désertés.
J’appris à marier, dans Athènes ma mère,
Le verbe de Platon et la lyre d’Homère.
L’écho religieux d’Orphée et de Linus
M’a parlé dans la Thrace et les temps inconnus,
Et, prenant les beaux fruits de la sagesse antique,
J’en ai fait sous mes doigts jaillir le vin mystique.
Puis les chênes gaulois m’ont dit tous leurs secrets ;
J’ai traduit aux humains la chanson des forêts.
J’ai sous les noirs sapins, comme un fils des druides,
Écouté les esprits qui leur servaient de guides,
Et, la verveine au front, avec la serpe d’or,
Du gui sacré de chêne invoqué le trésor.
Saignant des coups portés à mes forêts divines,
J’ai maudit notre engeance acharnée aux ruines ;
J’ai noté les accords des derniers sommets verts,
Et l’âme du grand chêne a parlé dans mes vers.
Maintenant j’ose plus et j’attends plus de grâces :
Sur les monts de Juda je vais chercher vos traces,
Ô Christ !
Est-ce à dire qu’il a toujours suivi paisiblement sa route, qu’il a marché de progrès en progrès sans trouble et sans combat ? Non certes ; à cette page harmonieusement sereine, on pourrait en opposer une autre où il parle des rébellions de son esprit, de ses égaremens dans le vide, de l’orgueil qui l’entraînait loin du puits de Jacob et lui promettait une source pour lui seul :
Le doute en ses déserts m’a longtemps égaré.
Loin du puits de Jacob où les âmes vont boire,
Indocile au pasteur, j’ai vécu séparé.
Ces accens, et d’autres encore, éclatant par intervalles avec une poignante amertume, indiquent bien la lutte que le poète a subie ; j’ai voulu indiquer seulement que cette lutte offrait avant tout le caractère d’une évolution philosophique, et qu’au fond du chantre païen ou panthéiste le chantre des idées chrétiennes se préparait silencieusement.
De là, on le pense bien, la largeur et la simplicité de son christianisme. Rien d’étroit ni d’affecté, rien qui sente les exaltations mystiques ou les superstitions puériles. Un savant évêque, nourri