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de dignitaires de l’église possédaient des fiefs relevant de leur suzeraineté. Plus les biens des monastères s’accroissaient, plus les bénéfices ecclésiastiques se multipliaient, plus le prince était enclin à ne pas respecter les immunités que le clergé faisait valoir et à exiger de lui ce qu’il exigeait du reste de son peuple. D’ailleurs, sous les premiers Capétiens, alors que la guerre était partout, les possesseurs des bénéfices ecclésiastiques imploraient souvent la protection du suzerain, et celui-ci était bien fondé à leur demander, en retour de l’appui réclamé, de contribuer pécuniairement à la guerre et de venir en aide à son trésor. Si le clergé s’exécutait quelquefois de bonne grâce, plus habituellement il résistait. Il avait la prétention, comme il le répétait bien des siècles plus tard, de ne devoir que ses prières pour la part de secours à laquelle chacun est obligé envers l’état. L’impôt n’offrait pas au reste à cette époque le caractère légal et régulier qu’il affecte dans nos gouvernemens modernes ; venant s’ajouter aux services et aux servitudes qui constituaient le lien féodal, levé par des officiers avides et brutaux, il prenait souvent le caractère d’une exaction. Le contribuable se trouvait fort exposé à être dépouillé de la plus grande partie de son avoir, et les abus fiscaux se glissaient aisément à côté des taxes les plus légitimes. Il était donc naturel que le clergé résistât, car s’il pouvait se laisser imposer sur des biens dont il tirait un profit tout temporel, il avait à sauvegarder le patrimoine de l’église de Dieu, celui qui était destiné à l’entretien des autels et aux œuvres charitables. Il avait fréquemment souffert dans ses propriétés des usurpations des seigneurs, et cela ne l’avait rendu que plus défiant pour tout ce qui touchait à des demandes d’impôts, à des charges pécuniaires nouvelles. Faute habituellement de pouvoir se défendre par les armes, auxquelles les seigneurs ecclésiastiques recoururent pourtant quelquefois, le clergé lançait des excommunications et traitait comme des impies ceux qui portaient la main sur son patrimoine, car c’était, disait-il, celui de Dieu, et nul n’avait le droit de se l’approprier. Il trouvait dans l’Écriture sainte et les canons des conciles une foule de textes et de décisions qu’il opposait en faveur de ses immunités au prince peu disposé à les reconnaître. Il se montrait d’ailleurs d’autant moins enclin à prendre sa part des obligations des sujets envers le roi ou le suzerain que lui-même avait vu, en devenant plus riche, ses charges pécuniaires s’accroître, et qu’il lui fallait faire face à plus de devoirs de l’ordre spirituel et moral. De nouvelles églises s’élevaient de tous côtés, des hôpitaux se fondaient ; les pèlerinages se multipliaient, des écoles étaient ouvertes, et des missions apostoliques allaient porter chaque jour l’Évangile à quelque nouvelle population.