Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/886

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serment dans la chambre des communes : « Je sauverai ce pays, et moi seul le peux, » avait déjà choisi sa conquête : ce sera le Canada, c’est-à-dire à bref délai la possession de toute l’Amérique septentrionale, car ce qu’il veut, c’est l’expansion et comme le rayonnement de la race anglaise sur le globe. C’est sa guerre à lui. Il fera sortir de terre des armées, et comme il est la ténacité faite homme, si Montcalm les bat et les disperse, il en renverra d’autres, sans se lasser jamais.

Pitt envoie donc au Canada toutes les ressources de l’Angleterre. Ce sont d’abord des montagnards écossais, admirables soldats, rebelles au dedans, fidèles au dehors ; puis vingt régimens enveloppés dans la capitulation de Closter Seven. C’est une armée de quarante mille hommes, et Pitt ne la trouve pas suffisante. Il veut voir les colonies de la Nouvelle-Angleterre prendre part à l’expédition, qui est pour lui l’œuvre nationale par excellence. Il les excite et les flatte par tous les moyens. Aux puritains fanatiques de la Nouvelle-Angleterre, il montre le Canada féodal et papiste. Il fait prêcher la croisade. Il envoie des ministres prédire dans les camps « le renouvellement des jours où Moïse, la verge de Dieu à la main, envoyait Josué contre Amalec. » Aux comtés, plus calmes, il parle de patriotisme ; il les flatte par les avantages qu’il accorde aux officiers de milice ; il les gagne en refusant de créer des impôts nouveaux, en ne leur demandant que des avances pour l’habillement et la solde des troupes, en leur donnant toutes les garanties possibles de remboursement. En peu de temps, vingt mille miliciens sont sous les armes. « L’Angleterre est donc assez forte, écrivait lord Chesterfield, pour manger les Français tout vifs au Canada, à Québec et à Louisbourg, si elle sait faire usage de ses forces avec habileté et vigueur. »

Le plan d’opération des Anglais était bien conçu. Les levées de la Nouvelle-Angleterre, de New-York et de New-Jersey, fortifiées par le secours de régimens réguliers sous le commandement du général Abercrombie, se réunissaient autour des ruines du fort Georges ou William-Henry, avec Carillon pour objectif immédiat. L’amiral Boscawen, avec une flotte de vingt-quatre vaisseaux portant seize mille hommes de troupes, quatre-vingt-six canons et quarante-sept mortiers, avait reçu la mission de prendre Louisbourg, dans l’île Royale, une des clés de Québec et du Canada lui-même. Le général Forbes, avec le colonel Washington et six mille miliciens de Virginie, devait opérer du côté de l’Ohio et s’emparer du fort Duquesne.

Il n’y avait à Louisbourg qu’une garnison de six mille hommes et au Canada que sept mille soldats. « Nous combattrons, écrit Montcalm au ministre, et nous nous ensevelirons, s’il le faut, sous les ruines de la colonie. » Malgré la disproportion des forces, il lui