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dans quel esprit, vers quel but l’enquête allait être dirigée. — Deux mois après le vote qui ordonnait l’enquête du sénat, le gouvernement présentait à la chambre des députés (le 21 janvier 1878) le projet de loi relatif à l’établissement du tarif des douanes. Pour éclairer ses études, la commission législative ouvrit de son côté une enquête dans laquelle il s’agissait non pas seulement d’un examen général de la situation économique du pays, mais encore de l’examen spécial de chaque industrie, de chaque branche de travail, dont le nouveau tarif était destiné à régir les conditions par rapport à la concurrence étrangère. — Ces deux enquêtes, parallèlement organisées, se complètent l’une par l’autre ; leurs procès-verbaux, qui ont été publiés, seront fréquemment invoqués dans le cours de la prochaine discussion sur le tarif.

La première observation qui se dégage de l’enquête du sénat, c’est que les souffrances de l’industrie et du commerce peuvent être attribuées à des causes multiples, complètement indépendantes de la concurrence étrangère. Ainsi, il a été reconnu que la crise n’atteint point seulement la France ; elle est générale, elle s’étend à tous les pays manufacturiers, à tous les marchés. Il y a eu partout excédant de production et ralentissement de la consommation intérieure ; — excédant de production, parce que l’industrie, réalisant des bénéfices considérables en 1872 et en 1873, a développé son travail outre mesure, sans prévoir le temps d’arrêt qui suit invariablement une période de prospérité exceptionnelle, — ralentissement de consommation, parce que plusieurs nations, y compris la France, ont éprouvé dans leur gouvernement intérieur des secousses plus ou moins violentes et des malaises financiers qui ont affecté les revenus et les salaires. En outre, la réduction simultanée du commerce extérieur s’explique par la fermeture du marché américain et par la guerre d’Orient. Ce n’est point la première fois que l’on assiste à des crises provenant de ce que la production n’est plus proportionnée avec la consommation, ni que l’on subit les conséquences de ce dérangement d’équilibre. Le phénomène est destiné à se représenter, car il est dans l’ordre naturel ; il se manifeste tantôt sur le marché général, tantôt dans une région déterminée ; il atteint soit l’ensemble des produits, soit telle ou telle catégorie de marchandises. On peut déplorer ces alternatives, parfois si brusques, qui viennent troubler l’harmonie du monde économique et compromettre le mouvement normal des affaires ; mais il n’existe pas de procédé législatif pour remédier à cet inconvénient. La réglementation serait inefficace pour activer ou contenir le travail. La liberté seule est capable de résoudre le problème, qui consiste à remettre l’offre en rapport avec la demande ou la demande