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que, si depuis vingt ans l’Angleterre a eu l’heureuse fortune de pouvoir diminuer quelques-unes de ses taxes dont le montant, même après ces dégrèvemens, demeure encore fort élevé, les autres pays de l’Europe et les États-Unis ont eu à subir, comme la France, de très grandes augmentations d’impôts. L’Allemagne, l’Autriche, la Russie, l’Italie, ont vu leurs budgets s’enfler de nombreuses surtaxes, de telle sorte que, pour la concurrence, le travail de ces nations est soumis à un renchérissement à peu près égal à celui. qui est signalé en France, sans compter que leur crédit et leurs ressources financières sont loin d’aller de pair avec les nôtres.

De ces observations, recueillies au sujet de la crise industrielle et commerciale, il résulte clairement que la réforme de 1860, que les traités conclus à partir de cette époque en vue d’étendre les rapports d’échange avec l’étranger, ne sont point responsables de cette crise, dont l’origine et la persistance s’expliquent par de tout autres motifs. Aussi la commission du sénat ne s’est-elle point crue autorisée par les documens de l’enquête à condamner en principe le régime libéral ni le système des traités de commerce que la plupart des manufacturiers, entendus par elle, avaient attaqués dans les termes les plus vifs ; mais, composée en majorité de protectionnistes, elle a demandé que la question des traités fût réservée, que l’on se bornât à proroger provisoirement les conventions existantes, et que le nouveau tarif général, destiné à servir de règle pour les négociations ultérieures, fixât des droits plus élevés au profit des industries en souffrance[1]. Pour atténuer une crise qui provient de causes multiples, elle n’a indiqué d’autre remède que le relèvement des taxes douanières. Il est permis de dire que la consultation n’est point complète, que les docteurs, après avoir observé exactement les symptômes du mal, n’ont point ordonné de remède approprié, et que, si une plus forte dose de protection servie par les douaniers devait être efficace, il vaudrait mieux revenir franchement tout de suite à l’ancien régime de la prohibition. Au

  1. Voici le texte de la résolution proposée par la commission du sénat (rapport de M. Ancel) :
    « Le sénat engage le gouvernement à réserver, quant à présent, la question des traités de commerce et à proroger simplement ceux qui existent jusqu’à la promulgation du nouveau tarif des douanes, dont le parlement est saisi.
    « Ce tarif général, qui devra être établi dans le plus bref délai possible, sera appliqué, provisoirement, à tous les pays qui nous accorderont le traitement de la nation la plus favorisée et ne grèveront pas nos produits de droits supérieurs aux nôtres. Pour les nations qui ne nous accorderaient pas ces conditions, le tarif serait majoré dans une proportion que les chambres détermineront.
    « Le sénat demande que les droits qui protègent actuellement nos industries ne soient diminués pour aucune et qu’ils soient relevés dans une mesure suffisante pour celles qui sont en souffrance, »