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qui ressemblait à un legs importun du passé. Les populations du Slesvig ont payé les frais de l’occupation de la Bosnie, et c’est ainsi que l’abrogation de l’article 5 du traité de Prague se lie à l’exécution du traité de Berlin, à la liquidation de ces affaires confuses de l’Orient, à l’application de la politique que l’Autriche peut être appelée à suivre en face de complications toujours possibles. N’importe, faire si bon marché des traités qu’on a signés et des droits d’autrui, c’est, on l’avouera, une étrange manière de donner du crédit aux traités nouveaux dont on espère profiter.

Pour le moment l’Autriche est arrivée à son but, elle a pu du moins surmonter les obstacles les plus immédiats et s’avancer sans avoir à regarder derrière elle : c’est l’avantage qu’elle a retiré de ses concessions sur le traité de Prague. Elle occupe la Bosnie, elle y est établie ou campée, et elle est vraisemblablement disposée à pousser l’occupation jusqu’à Novi-Bazar, de façon à prendre position pour toutes les éventualités en Orient. Elle a fait sa partie dans l’œuvre de Berlin. Pour le reste, la pacification de l’Orient, l’organisation des provinces ottomanes, les délimitations nouvelles, le rétablissement d’un certain ordre, tout cela, il faut l’avouer, marche lentement, laborieusement à travers d’incessantes péripéties, et ce n’est que ces jours derniers que la Russie a fini par signer à Constantinople son traité particulier avec la Turquie. A vrai dire on ne voit pas bien pourquoi, après le traité de Berlin qui a remplacé le traité de San-Stefano et par lequel on a cru tout régler, un traité nouveau et direct était nécessaire. On ne distingue pas comment une œuvre de diplomatie collective rétablissant la paix de l’Orient pouvait être tenue en suspens par une négociation séparée entre les belligérans de la veille déjà réconciliés en congrès ; mais la Russie attachait un prix singulier à cette négociation, elle tenait visiblement à lier la Turquie par des engagemens spéciaux qui, sans altérer les combinaisons principales du traité de Berlin, avaient pour elle le double mérite de faire revivre quelques-unes des clauses du traité de San-Stephano et de laisser dans ses mains un titre direct. Elle y est arrivée naturellement, elle ne pouvait que réussir et réduire à merci l’obstination turque en prolongeant la pression de la force. Elle a aujourd’hui son traité, elle a réglé ses relations avec l’empire ottoman, elle laisse à la charge de la Turquie une indemnité qui, bien qu’adoucie et ramenée au chiffre de 800 millions de francs, ne reste pas moins au-dessus des ressources du misérable trésor du sultan. La Russie, comme tous les créanciers de la Porte, ne peut évidemment compter que sur une réorganisation administrative et financière de la Turquie, si le miracle est encore possible.

Dans tous les cas, la première condition est que ce malheureux empire recouvre, au moins dans ce qui va lui rester, une ombre d’indépendance, et ce nouveau traité a cela de bon de limiter désormais une