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n’avait pas varié avec leur fortune. Ils se faisaient gloire de leurs relations passées avec des personnages influons, et insinuaient qu’ils en recevaient encore les inspirations. Il est plus flatteur d’être un agent politique qu’un simple voleur de grand chemin.

Le parti mitriste n’a pas besoin d’être lavé du soupçon d’avoir protégé de sa connivence contre les armes nationales des bandits qui s’étaient mis non-seulement hors la loi, mais hors la civilisation. La seule faute en tout cela, une faute qu’il faut relever, parce qu’il s’obstine à ne pas en convenir et qu’elle pourrait quelque jour être commise de nouveau, c’est de ne pas s’être aperçu que ses énervantes complaisances envers les caciques soumis, sa manie de les tenir sous sa main, de les flatter, de les gâter et de les mêler à ses intrigues, avaient eu pour résultat d’organiser dans les anciens districts de frontières des écoles d’immoralité et de brigandage. Les vagabonds, les gens sans aveu, s’habituaient à considérer comme profitable une intime alliance avec les Indiens, afin d’avoir le bénéfice des immunités qui les couvraient. Ces étroites relations par lesquelles sauvages et civilisés se pervertissaient réciproquement, elles duraient encore. Il n’y a pas de solidarité plus difficile à rompre que celle qui résulte de mauvais coups faits en commun. Prendre la haute direction d’une guerre de rapines contre ses concitoyens, à propos du passage du ministre de la guerre à l’Azul, flairer pour la tribu un danger dans l’air et venir à franc étrier lui en porter la nouvelle, ces âmes violentes et basses avaient fini par trouver cela naturel. Voilà ce que devenait dans cette atmosphère corruptrice la notion du patriotisme. Ce sont là des résultats qui jugent le système ancien, celui de l’inaction achetée au prix d’une systématique indulgence. Ce sont surtout des précédens qu’il est utile de ne pas perdre de vue au moment où il va y avoir à loger les Indiens quelque part et à les organiser de quelque manière. Ils doivent être logés et organisés de façon à ne pouvoir ni recevoir ni donner des exemples funestes. Ils ont en eux d’acres et contagieux instincts de rapacité et de fourberie. Jusqu’à ce qu’on ait neutralisé ces instincts par un traitement convenable, il est bon que les tribus réduites soient entourées d’un cordon sanitaire.

Sur les onze heures, après avoir bien chevauché de toldo en toldo, le commandant Garcia fit sonner le ralliement à l’endroit qu’il avait choisi pour quartier général. C’était une étroite vallée, à proximité du filet d’eau qui donnait quelque fraîcheur à ces terres sablonneuses. Les flancs en étaient ombragés par des caroubiers archiséculaires. Du reste l’eau était saumâtre et l’herbe rare. C’était pourtant ce que Treycò offrait de mieux. Il fallait que les Indiens fussent bien pauvres d’animaux pour avoir choisi un semblable gîte. De nombreux troupeaux n’auraient pas pu y vivre. Ils