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station de la Ciotat la voie, qui semblerait devoir se rapprocher de plus en plus du rivage et épouser le contour arrondi de la côte, s’en éloigne brusquement, passe au village de Saint-Cyr et délaisse un des meilleurs mouillages de la Provence.

Considéré dans son ensemble, le golfe de la Ciotat présente la figure d’une ellipse presque fermée. A peu près vers le milieu, une petite saillie rocheuse, le cap Saint-Louis, divise le golfe en deux segmens un peu inégaux, et marque en même temps la limite des départemens des Bouches-du-Rhône et du Var. La partie du golfe située à l’ouest, dans les eaux mêmes de la Ciotat, est la rade de Céreste ; celle qui est située à l’est a pris le nom d’un hameau plus que modeste, habité par quelques pêcheurs qui tirent le soir leurs embarcations sur la grève ou les amarrent à l’abri d’une petite jetée de construction récente ; c’est la baie des Lèques.

La plage des Lèques est demi-circulaire et de formation géologiquement moderne. Depuis le hameau jusqu’au château de Baumelles, c’est une succession de dunes sablonneuses et arides. Le développement de cet appareil littoral est de près de 2 kilomètres ; sa largeur varie de 1,000 à 1,500 mètres. Aucune végétation : le sol est mouvant, et sous l’action des vents du nord le sable apporté par les coups de mer se dessèche et chemine avec une très grande rapidité. On retrouve ici sur une petite échelle ce phénomène de déplacement des dunes qu’on observe en grand sur les côtes de Hollande, de Belgique, de Gascogne et sur tout le littoral du golfe de Lyon. Dans de pareilles conditions, il eût été difficile d’établir le chemin de fer d’une manière stable ; les remblais se seraient rapidement déformés, les tranchées auraient été comblées à la moindre bourrasque. On a dû rejeter la voie dans l’intérieur des terres pour l’asseoir sur un terrain solide ; et le petit golfe des Lèques, qui fut, il y a plus de deux mille ans, l’un des plus fréquentés de la Méditerranée gauloise, est aujourd’hui complètement abandonné par la vie moderne.

Presque tous les textes des historiens et des géographes classiques mentionnent l’existence, bien avant notre ère, d’une colonie grecque située entre Marseille et le cap Sicié qui commande la rade de Toulon. Les auteurs grecs la désignent tour à tour sous les noms de Tαύροις, Tαυρόέις, Tαυρέντιον, Tαυρέντιον ; les Romains, maîtres des Gaules, ont latinisé le mot et en ont fait indifféremment Taurentum, Taurentium, Tauroentum. Cette dernière dénomination a prévalu. Aujourd’hui encore, après plus de vingt siècles, la petite plage des Lèques et les vestiges de ruines qu’on y rencontre continuent à porter dans le pays le nom de Tarento. C’était en effet dans un enfoncement du rivage, au pied du rocher de Baumelles, que se