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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/158

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de quai ; et à plus de 1,200 mètres de la ligne actuelle du rivage il retrouvait une ancre de galère à quatre pointes, indice très certain de l’ancienne occupation des eaux ; il faisait enfin remarquer avec beaucoup de justesse le nom de plan de la mar que porte le rivage aujourd’hui couvert par des dunes, celui de paluns (palus, marais) par lequel on désigne une partie du territoire située aux environs du petit village de Saint-Cyr, à près de 2 kilomètres de la mer actuelle ; il montrait quelques fragmens d’inscriptions, de statues brisées, et un nombre considérable de débris de poteries, des fibules, des médailles que l’état de la science archéologique ne permettait pas alors de classer et d’interpréter d’une manière tout à fait satisfaisante ; il constatait, le long de la mer et même sous l’eau, la présence de plusieurs mosaïques disséminées sur un très grand développement, des socles de colonne régulièrement alignés et marquant la place de portiques disparus, des ruines de tombeaux, de thermes, de théâtre ; il assignait enfin avec une précision remarquable les limites de la ville, de l’acropole et du port.

« Des fouilles plus suivies, écrivait-il avec une modestie parfaite, produiront en d’autres temps des découvertes plus intéressantes. Je les aurais continuées, malgré la contrariété des sables qui couvraient, en peu d’heures, les excavations faites pendant plusieurs jours ; mais, travaillant sans mission et sans autorité dans ce lieu abandonné, j’étais environné de paysans grossiers, qui joignent, l’avidité à une crédulité stupide ; guidés par de prétendus devins, ils ont souvent bouleversé ces terrains pour y chercher les trésors qu’ils croient y être enfouis. Ils regardaient comme de puissans talismans quelques médailles trouvées dans ces terres, et refusaient de les céder à prix d’argent, pour ne pas perdre la fortune qu’ils imaginaient y être attachée. Le spectacle d’un homme muni d’une boussole, d’un graphomètre, d’autres instrumens, suivi d’un dessinateur, d’un arpenteur et de plusieurs ouvriers, excitait leur curiosité et réveillait leurs espérances. Malgré le silence imposé à mes travailleurs, malgré la précaution que je prenais de faire combler de pierres, de graviers et de sable mes découvertes, je craignais qu’on ne vînt tout dégrader après moi, crainte d’autant plus fondée que, tandis que je rendais compte à l’académie de mes recherches, ces paysans ont repris les fouilles ; et en les continuant, ils ont détruit une partie des édifices, arraché et vendu à Toulon des tuyaux de bronze et d’autres objets peut-être plus précieux.

« Les habitans du voisinage enlèvent successivement et les marbres et les pierres de ces ruines, pour en former des murailles. Ils brisent même les socles dont j’ai parlé ; et l’on partagera l’indignation dont j’ai été pénétré, lorsqu’on m’a raconté que ces barbares ont mis en mille pièces une grande pierre contenant une