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mince épiderme comparée à l’énorme noyau liquide du sphéroïde dont elle forme l’enveloppe solide, est soumise à des variations séculaires et à des oscillations d’une extrême lenteur, mais d’une incalculable puissance. Il est aussi mathématiquement prouvé que le niveau des mers du globe est absolument fixe depuis l’origine de notre époque géologique, et qu’il y a égalité parfaite entre la quantité d’eau qui est enlevée par l’évaporation à la surface de tous les océans et celle qui leur est restituée soit par les pluies, soit par l’apport des fleuves. C’est dès lors la terre et non la mer qui est, en fait, l’élément mobile et changeant de notre planète, et ces changemens ont été constatés presque sur tous les continens. Mais, sans sortir de notre bassin de la Méditerranée, les preuves qui démontrent les mouvemens du sol se présentent en foule. Les anciens ports se comblent en général, les baies s’oblitèrent ; sur la côte, les promontoires disparaissent sous la morsure de la mer, les falaises s’exhaussent ou s’abaissent, et ces phénomènes s’accomplissent avec assez de rapidité pour que les modifications dans l’aspect des rivages ne puissent pas être attribuées seulement à l’influence des agens extérieurs ou à l’apport des sables fluviaux ou marins ; il faut donc de toute nécessité reconnaître l’action d’une force verticale qui pousse de bas en haut ou de haut en bas le frêle épiderme sur lequel nous nous agitons. Le phénomène observé dans la baie de Naples est l’exemple classique mille fois cité à l’appui de ces oscillations du sol terrestre, et tout le monde sait que les trois colonnes encore debout qui décorent à Pouzzoles le pronaos du temple de Sérapis présentent, jusqu’à une hauteur de deux mètres au-dessus de leur socle, des perforations produites par des animalcules marins ; on a là sous les yeux la preuve la plus saisissante que le terrain sur lequel le temple a été construit et qui devait nécessairement se trouver à un niveau un peu supérieur au zéro de la mer s’est peu à peu abaissé sans fracture ni dislocation, est descendu exactement à deux mètres en contre-bas du niveau de la Méditerranée, a séjourné assez longtemps sous l’eau pour permettre aux foraminifères de percer le marbre des colonnes et s’est ensuite relevé jusqu’à la hauteur que nous voyons aujourd’hui. Il est donc certain que le sol que nous foulons n’est pas immuable ; il frissonne et se meut lentement, s’élève ou s’abaisse avec les siècles, et l’on peut affirmer avec l’un des plus grands naturalistes des temps modernes que le repos de l’écorce terrestre pendant toute une période de son histoire est aussi improbable que le serait le calme absolu de l’atmosphère pendant toute une saison de l’année.

Nous ne voyons donc aucune impossibilité à admettre qu’aux causes que nous avons déjà mentionnées pour expliquer la ruine