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cellules de la couche dite couche pigmentaire. On a en effet observé des modifications remarquables dans cette couche, selon que la coloration de la rétine avait été abolie ou non par la lumière. Après séjour à l’obscurité, cette couche se sépare facilement du reste de la membrane ; au contraire, après l’action de la lumière il y a adhérence considérable entre ces deux couches. Dans le premier cas, il n’y a pas de pigment dans les interstices des bâtonnets, dans le second il y en a beaucoup. Voilà donc une relation certaine entre le pigment et la coloration rétinienne. D’autre part, M. Boll a observé que les bâtonnets prennent sous Pia-fluence de l’acide acétique une coloration jaune d’or analogue à celle des gouttelettes huileuses que renferment les cellules du pigment rétinien. Étant donnés les rapports intimes, embryogéniques et histologiques qui existent entre ces cellules et la couche des bâtonnets, l’on a pensé immédiatement que la pourpre visuelle vient de ces cellules. D’après Kühne et Capranica, c’est décidément dans la couche pigmentaire qu’il faut chercher l’origine de la pourpre rétinienne ; mais la question n’est rien moins que résolue. Toutefois il est un fait très important qui se dégage de ces expériences, et qu’il convient de noter en passant ; c’est la première fois que nous voyons des modifications matérielles palpables correspondre à la transformation d’une excitation physique en courant nerveux. Sans doute nous connaissons l’anatomie des organes des sens, mais ce que nous ignorons absolument, c’est la modification physique intime, au delà de laquelle il n’y a qu’ébranlement nerveux, c’est la transformation de l’agent qui sert d’excitant au mouvement nerveux. Affirmer au delà nous paraît téméraire, et nous laissons à M. Boll toute la responsabilité de ces lignes écrites sous l’influence de l’enthousiasme : « L’action des différens agens, tels que la lumière et la couleur, les ondes acoustiques, la chaleur, les substances sapides, produit dans les organes terminaux des nerfs sensitifs certaines altérations objectives, identiques au contenu des sensations et des idées subjectives qui sont provoquées par ces altérations. »

Quoi qu’il en soit, si toutes les conditions de la production de la pourpre visuelle ne sont pas connues, il est un fait certain, c’est que la choroïde vivante est indispensable pour que la régénération se fasse. Sans doute, MM. Ewald et Kühne ont vu que des rétines décolorées par le soleil, dépourvues de couche pigmentaire, ont repris une partie de leur coloration normale après exposition à l’obscurité, et que cette propriété de. régénération a subsisté plusieurs jours ; sans doute la couche des bâtonnets joue un certain rôle par elle-même ; mais on n’observe jamais, dans ces conditions, de régénération complète. Pour que celle-ci se fasse, il faut qu’il y ait contact de la rétine avec une choroïde vivante : aucun autre tissu de l’organisme ne jouit de ce privilège, exclusivement dévolu à cette dernière membrane.