Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un mille marin de longueur, s’ouvre une anse désignée sous le nom de petit port ; à gauche se développe une baie infiniment plus vaste, où Nelson vint mouiller avec toute son escadre quand il cherchait la grande expédition partie en 1798 de Toulon pour l’Égypte. Cette seconde baie doit à son étendue le nom qui lui fut donné de grand port. Au fond du grand port débouche l’Anapos, ruisseau torrentueux, dont les débordemens ont converti en prairies ou en marécages la majeure partie de la plaine. Des deux côtés de ces alluvions, le terrain se relève ; au nord se dressent, brusquement portées jusqu’à une hauteur de 63 mètres, les collines toutes percées de carrières des Epipoles ; au sud-est une pente plus douce, interrompue par l’anse de la Maddalena, va former, juste en face d’Ortygie, le promontoire rocheux de Plemmyrion. Le point culminant de ce promontoire atteint à peine l’élévation de 43 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ces détails ne suffiraient pas peut-être pour donner une idée du théâtre restreint sur lequel vont, pendant de longs mois, se presser les armées et les flottes ; il y faut ajouter quelques mots qui montrent dans son relief général la configuration de la rade. Le port de Syracuse est un bassin oblong dont le grand axe se dirige du sud au nord. Dans cette direction, le bassin n’a pas moins de deux milles marins d’étendue ; de l’entrée à l’embouchure de l’Anapos, il n’a guère plus d’un mille ; à l’entrée même, il s’étrangle, et la distance de la pointe méridionale d’Ortygie au cap Plemmyrion n’est que de 1,200 mètres. Sur une superficie semblable, il est sans doute possible de développer des flottilles de deux cents et de trois cents trières ; on ne saurait nier que ces flottilles n’y soient, pour évoluer surtout, un peu gênées.

Quand Nicias, débarqué dans le petit port, eut gravi les escarpemens des Épipoles, il était déjà bien tard pour courir des prairies de l’Anapos à sa rencontre. Les troupes syracusaines partirent cependant au pas de course ; elles avaient 4 ou 5 kilomètres à franchir et elles durent reculer devant les masses auxquelles ce long trajet laissa le temps de prendre, avant leur arrivée, position. Nicias comptait donc un succès de plus. Jusqu’ici ce vieux général ne comptait que des succès et ce n’étaient pas des succès de hasard, mais bien des succès dont il pouvait remercier la sagesse de ses combinaisons. La guerre est une science ; cette science, les plus jeunes capitaines, les Alexandre, les Condé, les Bonaparte, ne l’ont pas devinée ; seulement ils l’ont apprise de bonne heure. Leur génie a surtout consisté au début à profiter des leçons des Nicias qu’une heureuse fortune leur donnait pour lieutenans ou sous lesquels elle les appelait à servir.

Devant Syracuse, comme devant Sébastopol, les luttes corps à