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disputée par laquelle il lui serait à la rigueur possible de pénétrer dans la ville. Son plan fut arrêté à l’instant. Il partit de Locres et, après avoir relâché à Rhegium, relâché à Messine, alla débarquer à Himère. Il avait alors quatre vaisseaux sous ses ordres, deux corinthiens et deux autres trières armées dans un des ports de la Laconie ; il les fit tirer à terre. Les équipages étaient, suivant le conseil donné par Alcibiade, composés en majeure partie d’hoplites ; ils formèrent un corps de sept cents hommes pesamment armés. Himère fournit, en outre, mille fantassins et cent cavaliers ; Sélinonte, Géla et les rares tribus de l’intérieur qui étaient restées fidèles à la cause de Syracuse envoyèrent, de leur côté, un millier de soldats. Gylippe se mit en marche. Les Athéniens ne soupçonnaient pas encore sa présence en Sicile ; les Syracusains l’attendaient. Une trière corinthienne avait forcé le blocus et porté à la ville assiégée l’annonce d’un secours prochain.

Les hauteurs des Épipoles sont difficiles à gravir ; il n’existe qu’un moyen de les aborder avec quelque chance de succès. Ce moyen consiste à les prendre à revers, en profitant des pentes qui descendent vers le nord et vers le nord-ouest. C’est par là que les Athéniens étaient parvenus à s’en emparer ; c’est du même côté que les assaillit Gylippe. À peine ses soldats commencèrent-ils à se montrer sur les crêtes que les Syracusains, sortant de la ville, coururent à leur rencontre. Les Athéniens étaient encore dispersés, tout occupés à poursuivre leurs travaux de terrassement. Le mur qui devait aboutir au grand port se développait déjà sur un espace de plus de 800 mètres ; dans la direction du petit port certaines portions étaient à demi construites, d’autres complètement achevées. Si l’arrivée de Gylippe eût tardé de quelques jours, Syracuse, malgré tous les efforts de ses habitans, était investie. Quand Gylippe et les Syracusains eurent opéré leur jonction, ce ne fut plus Syracuse, ce fut le poste athénien laissé au sommet des Épipoles qui se trouva cerné. Les Athéniens essayèrent en vain de porter secours à ce détachement trop faible pour se défendre lui-même ; Gylippe les contint en rangeant ses troupes en bataille le long de leur propre retranchement, et la garnison du fort Labdalon, — c’est ainsi que s’appelait le retranchement provisoire élevé pour garder contre les sorties de la ville le poste des Épipoles, — n’eut plus d’autre parti à prendre que de se livrer à la merci du vainqueur. Les Syracusains se montrèrent en cette occasion sans pitié ; pas un seul soldat athénien ne sortit vivant de leurs mains.

La ligne de circonvallation était définitivement rompue ; le siège de Syracuse changeait brusquement d’aspect. Nicias modifia ses plans en conséquence ; faisant dès ce moment volte-face, il se