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importance, car il y a quinze caboteurs à Saint-Barthélemy, et les relations sont très fréquentes avec toutes les petites Antilles.

Quand le gouvernement de la république consentit à reprendre Saint-Barthélemy des mains de la Suède, la population fut loyalement consultée. A l’exception d’une centaine de protestans luthériens de nationalité suédoise qui s’abstinrent fort naturellement, l’annexion fut votée à l’unanimité. Quatre cents méthodistes anglais optèrent également pour la France. Ici, les rivalités, les haines religieuses sont absolument inconnues ; catholiques, méthodistes, luthériens, vivent dans une entente parfaite. Ils protestent en quelque sorte contre les souvenirs néfastes que le nom de Saint-Barthélemy a le triste privilège de leur rappeler trop souvent. Du reste, le caractère des habitans est renommé par son affabilité ; on ne vit pas sans profit sous le gouvernement bon et honnête de la Suède, et la preuve en est flagrante : on n’a jamais constaté à Gustavia ni vols ni meurtres ; s’il y a des contraventions, elles sont insignifiantes. A l’exception de la petite troupe armée dont nous avons parlé, on n’y connaît ni agens de police, ni gendarmes. Les mœurs, un peu relâchées dans les colonies françaises de l’équateur, sont très pures à Saint-Barthélemy chez le blanc comme chez l’homme de couleur. La mulâtresse séduisante qui, à la Guadeloupe et surtout à la Martinique, donne largement ses faveurs, périrait ici d’isolement et d’ennui. Il est vrai que les dimanches y sont aussi respectés et aussi ennuyeux que les dimanches à Londres, mais selon toute probabilité l’occupation française introduira à Gustavia un peu de notre gaîté, et personne n’en sera fâché.

Saint-Barthélemy a été cédé par la Suède à la France au prix dérisoire de 320,000 francs. La Suède n’a même pas insisté pour obtenir le paiement de certains édifices qui lui appartiennent et qui cependant deviennent notre propriété par suite de l’annexion. Sait-on ce que ce généreux pays a fait des 320,000 francs ? Elle les a donnés aux fonctionnaires de l’Ile pour les dédommager de la perte de leurs postes. Et la milice ? On ne nous a pas dit ce qu’elle deviendrait. Nous espérons bien que M. le gouverneur de la Guadeloupe, qui va avoir Saint-Barthélemy sous sa juridiction, ne fera pas regretter le gouvernement suédois à de vieux soldats français. Quant à Saint-Barthélemy, — pauvre île Saint-Barthélemy ! elle tombe du rang de possession coloniale à celui de simple commune.

Il ne nous reste plus qu’à raconter comment s’annexe un pays quand les habitans de ce pays ont appelé l’annexion et ont affirmé leurs volontés par un vote indépendant. Le 15 mars, M. Couturier, gouverneur de la Guadeloupe, chargé de représenter la France à Gustavia, M. Eggiman, directeur de l’intérieur* M. Bernardy de