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« la baguette divinatoire, » rameau fourchu de coudrier, de pommier, d’aune ou de hêtre, découvrir les sources et les trésors. Perrault, qui conserve précieusement tant de traditions mythiques, fait dire à la fée Peau-d’âne :


Je vous donne encor ma baguette ;
En la tenant en votre main,
La cassette suivra votre même chemin,
Toujours sous la terre cachée ;
Et lorsque vous voudrez l’ouvrir,
À peine mon bâton la terre aura touchée.
Qu’aussitôt à vos jeux elle viendra s’offrir.


La magie, qui n’est qu’une transformation des rites antiques, ne pouvait manquer de conserver les vieilles traditions sur la puissance de la baguette. Le cercle magique tracé avec le bâton des nécromanciens fait tomber dans leurs mains tous ceux qui entrent dans ce cercle. Les contes populaires européens, non moins fidèles aux dogmes primitifs, nous parlent aussi d’un bâton merveilleux qui frappe de lui-même tous ceux qui se trouvent autour du trésor. Sans être aussi redoutable que le bâton de Péroun et la verge d’Indra, il conserve quelque chose de leur puissance. Faut-il rattacher au même ordre d’idées les bâtons de commandement, le sceptre des rois, la verge des licteurs, la crosse des évêques, le bâton des maréchaux ? M. de Gubernatis, assez porté à expliquer un certain nombre de faits par la même hypothèse, incline vers cette supposition. On serait tenté de ne voir dans le sceptre et la crosse que la verge du pâtre, insigne primitif de l’autorité chez les nomades. Mais de même que dans plus d’un pays « tout berger est un peu sorcier, » les vies des saints montrent que le bâton des pasteurs a souvent opéré des prodiges. Ainsi un de ces bâtons planté dans le sol y fait naître à l’instant un arbre vigoureux.

Ce miracle, qui nous semble si éclatant, est simplement le réveil de la vie que les mythes attribuent au végétal. Loccenius, écrivain allemand du XVe siècle, parle d’un genévrier qui s’indigne et crie lorsqu’on veut l’arracher. Dans le Guillaume Tell de Schiller, il est question d’une montagne où tous les arbres saignent sous la hache. Une forêt de ces arbres se trouve dans la Gerusalemme liberata du Tasse. Dans un auto sacramental de Galderon (el arbor del mayor frutto), lorsque Candaces, obéissant à Salomon, coupe sur le mont Liban l’arbre unique et triple, il en jaillit une rivière de sang. Dans un des contes populaires russes traduits en anglais par M. Ralston, le héros ayant suspendu son gant à un arbre, le sang tombe de ce