Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/552

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour voter une demande aussi lourde que celle que faisait le roi, l’unanimité des suffrages était requise, et ils refusèrent en conséquence de signer le procès-verbal, ce qui empêchait la décision d’avoir force d’exécution. La déclaration des deux prélats produisit une grande agitation dans l’assemblée. Les membres dévoués à Richelieu contestèrent la légalité d’un tel procédé et interpellèrent vivement l’archevêque de Sens. On s’échauffa fort, et, pour mettre un terme à la dispute, ce prélat, usant de son droit de président, leva précipitamment la séance, annonçant qu’il allait se rendre près du cardinal afin de lui exposer les motifs de son refus. On eût pu croire qu’avec son caractère entier et ses habitudes autoritaires, Richelieu aurait simplement passé outre à la protestation des deux archevêques ; mais en même temps qu’il tenait à ménager un prélat aussi haut placé que l’archevêque de Sens, il voulut d’abord se donner les apparences de la modération dans ses exigences, tenter d’obtenir par une voie indirecte la totalité des 6 millions. Dissimulant donc son ressentiment contre Bellegarde, il eut l’air en lui parlant d’approuver sa conduite ; mais il prit soin de lui dire qu’il n’interprétait pas le rejet de l’impôt du tiers comme un refus de l’assemblée d’accorder au roi un subside extraordinaire et proportionné à ses besoins, qu’elle l’avait repoussé à raison de l’élévation de la somme qu’un tel impôt ferait payer au clergé. Peu après il écrivait à l’archevêque que le roi réduisait sa demande à 4 millions de livres. Il ajouta toutefois que sa majesté ne renonçait pas pour cela aux deux autres millions, et qu’elle comptait que l’assemblée arriverait à les réaliser par quelque mesure particulière sans charger le clergé. Le cardinal en recommandait une : c’était la vente de la charge de receveur général du clergé, qu’il représentait comme devant rapporter une somme considérable. Cette proposition fut communiquée par l’archevêque de Sens aux députés, qui représentèrent la difficulté qu’il y aurait à lever ces 4 millions, s’ils venaient s’ajouter aux décimes ; le nombre en plusieurs provinces des bénéficiers payant décimes étant fort petit, il en résulterait une surélévation excessive d’impôts pour les provinces déjà accablées, sur lesquelles retomberait le gros de la charge. Richelieu répondit que, pour parer à cet inconvénient, on ne répartirait pas les 4 millions d’après les décimes qu’acquittait le clergé en vertu du dernier département, mais qu’on se reporterait au département de l’année 1588. C’est sous cette condition que Bellegarde souscrivit au rejet du tiers, et, de retour à Meulan, consentit à signer le procès-verbal qui le relatait.

Les députés accordèrent sans difficulté les 4 millions auxquels Richelieu semblait s’être rabattu ; mais, goûtant peu les moyens