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mains. Il est temps qu’elle retrouve à la fin son équilibre. La réforme de l’enseignement supérieur est à ce prix. Ce n’est pas un ministre éphémère et politique qui la réalisera jamais ; il y faudrait une indépendance et une application qui sont incompatibles avec le régime parlementaire. Mais qui donc alors y pourvoira ? Peut-être le nouveau conseil dont la création semble décidée et dont il a été question plus haut. Dans l’état actuel des choses, on ne peut qu’applaudir à l’idée de cette création. Tout le reste est bien fragile aujourd’hui. Les ministres passent, les sous-secrétaires d’état passent ; le conseil de l’Université restera pour la défendre contre les empiriques et contre elle-même, contre ceux qui voudraient en faire l’instrument de leurs passions et contre l’esprit de routine. Seulement il faudra beaucoup de tact et de libéralisme dans le choix de ceux qui seront appelés à composer cet aréopage. Si l’on veut qu’il ait de l’autorité, qu’il impose à la fois au gouvernement et à l’Université, qu’il supplée sérieusement des ministres étrangers aux choses scolaires, en un mot qu’il ait une part de direction et d’initiative, on devra s’efforcer de n’y admettre que des hommes d’une compétence et d’un mérite éprouvés, et laisser la politique à la porte. Ce n’est certes pas le corps enseignant qui s’en plaindra ; et si le gouvernement y perd quelques maigres avantages, le service public n’en ira que mieux.

Toutefois on se tromperait étrangement si l’on pensait que ces diverses améliorations constituent à elles seules toute la réforme universitaire. On a déjà pris soin de le marquer ; elles n’en sont qu’une partie, la moins importante peut-être. Tout ne sera pas dit, comme on le croit trop volontiers aujourd’hui, quand on aura construit de splendides édifices pour nos écoles, groupé nos facultés isolées et trouvé le moyen de leur donner des élèves. On fait bien des choses avec de l’argent, de bonnes lois et une administration vigilante ; on ne refait pas l’esprit d’un corps, on ne modifie pas sa nature et son tempérament ; tout au plus peut-on les redresser. C’est aux corps eux-mêmes à se corriger de leurs défauts, quand ils en ont à se préserver de la décadence quand ils en sont menacés. Il n’y a de remèdes à cette sorte de mal que ceux qu’on s’ordonne à soi-même, avec le ferme propos de lutter et de guérir. C’est ainsi que les nations qui ne veulent pas mourir n’ont pas seulement besoin de canons et de forteresses pour se défendre ; il leur faut, à peine de déchoir, se retremper aux sources fécondes du patriotisme et de l’honneur. L’Université de France ne saurait échapper à cette loi nécessaire et générale. Sans doute, on ne peut dire qu’elle soit en décadence. Même, à ne consulter que les apparences, elle n’a jamais été plus vivante et plus forte ; elle brille d’un incontestable éclat, et quand