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puissances, et la constitution de 1787 a subi moins de modifications et de remaniemens que celles de la plupart des états européens.

Certes, pas plus qu’une autre, la constitution américaine n’est à l’abri de toute critique ; il n’en est pas moins vrai que sa merveilleuse élasticité a pu se prêter aux évolutions successives de l’opinion publique, et qu’aucun parti politique, arrivé au pouvoir, ne s’est vu dans la nécessité de la briser comme une entrave à ses projets ou comme une arme dangereuse entre les mains de ses adversaires. Les hommes du sud ont gouverné avec elle comme gouvernent aujourd’hui les représentans du nord, et si la question de l’esclavage a mis l’Union en danger, il importe de tenir compte de ce fait, que la constitution n’a pas créé l’esclavage aux États-Unis. Elle l’a subi comme un fait antérieur et préexistant, et il a suffi de l’adoption d’un amendement pour en consacrer l’abolition. On ne saurait s’empêcher de remarquer en outre que, pendant la guerre de sécession, le sud non plus que le nord n’a songé un instant à modifier la forme même du gouvernement ou à réclamer autre chose que le respect absolu de la constitution. Pour les confédérés, elle représentait le maintien de l’esclavage ou le droit de sécession, pour les états du nord le droit d’amendement et par lui la suppression d’une institution particulière répudiée par eux et par le monde civilisé. A l’heure même où les sudistes écrasés par le nombre sollicitaient l’intervention de la France impériale et de l’Angleterre royaliste, aucun d’eux ne cherchait à s’assurer leur concours par l’abandon d’une forme de gouvernement qu’ils pouvaient croire peu sympathique à ces deux puissances. Pas plus que le nord, le sud ne l’estimait incompatible avec son existence comme nation indépendante. Victime de cette loi des majorités, que consacrait la constitution, il n’en exigeait pas la suppression, mais, respectueux jusqu’au bout des institutions qui avaient fait sa force et sa grandeur dans le passé, il se réclamait de cette même constitution pour affirmer son droit à l’indépendance.


III

Si les rives fertiles du Mississipi et les provinces limitrophes du Mexique excitaient les convoitises du sud, encore puissant, mais déjà menacé, le Canada attirait de plus en plus l’attention des états du nord. Ils s’irritaient et murmuraient. Entre les mains de l’Angleterre, le Canada n’était-il pas une menace incessante ? Qu’avait-on donc à redouter du Mexique, épuisé par sa lutte avec l’Espagne, sans finances et sans armée, à peine en état de maintenir son existence, hors d’état d’inquiéter celle d’un voisin auquel, l’unissaient une communauté d’origine et des institutions