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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/646

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On les disait soutenus et poussés par les autorités du Canada. Madison posait alors sa seconde candidature à la présidence. Le sud, divisé, ne pouvait lui assurer la majorité, son élection dépendait du vote des états démocratiques, partisans d’une guerre avec l’Angleterre. Madison promit la guerre et fut élu. En 1812, elle était déclarée. L’ouest la réclamait ; la Nouvelle-Angleterre s’y montrait hostile pour deux raisons. Elle désirait le Canada, mais elle répugnait à un conflit sur ses frontières et redoutait toute manifestation hostile de nature à motiver une concentration de troupes anglaises dans les provinces qu’elle convoitait. Elle attendait l’annexion du temps et d’une politique habile, et elle estimait, avec raison, le moment mal choisi et l’Union mal préparée. L’armée, en grande partie licenciée, ne comptait pas plus de cinq mille hommes d’effectif, et la marine n’avait que huit frégates et douze corvettes à opposer aux mille soixante navires que l’Angleterre possédait alors.

On eût dit que la fortune prenait à tâche de réparer les fautes de la jeune république, qui se lançait si imprudemment dans une pareille aventure. Les expéditions contre le Canada échouèrent, il est vrai, après une alternative de défaites et de succès stériles ; mais sur mer on fut plus heureux. Les exploits de la frégate américaine Constitution et les dommages causés par les hardis croiseurs yankees illustrèrent la marine des États-Unis. La victoire de la Nouvelle-Orléans permit une paix honorable que l’Angleterre s’empressa de conclure pour concentrer ses efforts et son attention sur la lutte suprême qu’elle soutenait alors contre l’empire chancelant. Ainsi cette guerre de 1812, entreprise contre la volonté des états de la Nouvelle-Angleterre, fortifiait l’autorité et augmentait le prestige des hommes du sud. Une fois de plus, ils avaient réussi à tenir haut et ferme le drapeau de l’Union, et à se mesurer, non sans gloire, avec la première puissance maritime du monde. Quant à l’échec des opérations dirigées contre le Canada, ils s’en consolaient d’autant plus facilement qu’un succès les eût à coup sûr fort embarrassés, et qu’ils n’avaient de ce côté aucune velléité de conquête. Leur répugnance était justifiée d’ailleurs par l’attitude de la population canadienne elle-même. Les colons d’origine française, alors de beaucoup les plus nombreux, avaient pris parti contre les États-Unis et prêté, comme volontaires, un concours énergique et loyal aux troupes anglaises. Aussi longtemps que l’Angleterre et sa colonie faisaient cause commune, toute tentative d’annexion était condamnée à échouer. Le temps seul, en développant les germes de mécontentement et de désunion, pouvait amener ce résultat. Il convenait de patienter ; les hommes du sud s’y résignaient sans peine, et ceux du nord en reconnaissaient la nécessité.

Ces germes de désunion couvaient sourdement. L’implacable