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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/713

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il y a quelques années au lendemain d’une victoire sociale, dans la plénitude de l’autorité et de la force d’une assemblée souveraine, elle aurait eu la valeur d’un grand acte politique, elle aurait sans nul doute frappé et rallié l’opinion ; elle aurait peut-être détourné des malentendus, permis dès lors de trancher des questions redoutables et de créer des conditions sérieuses de sécurité parlementaire. Aujourd’hui, depuis longtemps, les événemens ont pris un autre cours. La dernière assemblée, puis les chambres nouvelles sont restées à Versailles ; Paris est resté Paris avec ses splendeurs et ses séductions, avec sa prééminence inaliénable de capitale française. On a pris son parti de ce dualisme un peu bizarre, des voyages parlementaires dont on a commencé par se moquer, auxquels on a fini par s’accoutumer. Pour bien des esprits, la vraie raison de ne pas se hâter de quitter Versailles aujourd’hui, c’est qu’on y est, c’est que l’expérience date déjà de huit années bien comptées, c’est que, s’il y a des inconvéniens, il y a aussi des avantages, qui ont été surtout ressentis aux heures de crises ; c’est qu’enfin, quelles que soient les obligations de la résidence officielle, il se forme par l’usage, par une interprétation un peu libre de la constitution, un certain état pratique qui permet au président de la république, aux ministres, de rester à Paris, et qui est peut-être le meilleur moyen d’arriver par degrés à la solution complète. Où était la nécessité de troubler prématurément ce travail de retour progressif, de chercher à brusquer la solution par un emportement de parti sans s’être concerté d’avance avec le sénat ? On a bien réussi ! on a peut-être compromis une question des plus graves en la précipitant, en la dénaturant par les exagérations et les déclamations, en ravivant les antagonismes. Le résultat est cette situation confuse et faussée où les conflits renaissent, où tous les dénoûmens peuvent être redoutables. Si les chambres restent maintenant à Versailles par le vote du sénat, cette résolution ressemblera à un acte de défiance à l’égard de Paris ; si la révision constitutionnelle est votée, si le parlement rentre à Paris, ce sera considéré comme une résipiscence du sénat cédant aux pressions des partis. Que sera-t-il décidé demain ? Le gouvernement serait, dit-on, disposé à demander un ajournement, sans doute pour se donner le temps de trouver, de négocier une transaction ; mais ce ne serait qu’un ajournement, et c’est ainsi que notre politique se crée à elle-même, se laisse imposer des difficultés qui auraient pu être évitées, qui au début sont inutiles ou prématurées et qui finissent bientôt par s’envenimer, par devenir dangereuses.

Comme si cette situation n’était pas assez compliquée cependant, comme s’il n’y avait pas assez de difficultés dans cette ère nouvelle qui semblerait avoir pour objet l’apaisement de la France, M. le ministre de l’instruction publique vient à son tour de prendre l’initiative de questions bien autrement graves que l’amnistie ou le retour à Paris. M. Jules