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filles qui ont engagé de bonne heure la lutte avec l’autorité de leurs parens et vis-à-vis desquelles ceux-ci ne font point usage de ce moyen extrême de coercition sans qu’elles aient auparavant lassé leur patience par plus d’une irrémédiable escapade. Pour triompher de ces résistances, les sœurs ne disposent que d’un temps à leurs propres yeux insuffisant. La durée la plus longue de la correction paternelle est de six mois ; mais il est rare que des parens requièrent du président du tribunal la détention de leur enfant pour plus de deux ou trois mois. Que faire avec une enfant qu’on est obligé de remettre en liberté au moment même où sa nature opiniâtre commençait peut-être à se briser et à s’assouplir ? Le grand nombre de ces jeunes filles a dû faire établir entre elles deux divisions, dont le principe avait été d’abord la différence d’âge. Mais l’expérience n’a pas tardé à révéler aux sœurs que cette différence ne donnait que des indications trompeuses et que les plus jeunes étaient souvent les plus perverties. La division actuelle est établie d’après le temps plus ou moins long qu’elles ont passé dans la maison. C’est la physionomie des nouvelles arrivées qui est la plus intéressante à observer. Rien m’est moins sympathique que l’aspect de ces jeunes filles de quatorze ou quinze ans, au regard effronté ou hypocrite, dans les yeux desquels on lit un mélange d’astuce et d’opiniâtreté. Les jeunes détenues des colonies correctionnelles qui ont été condamnées pour vagabondage ou pour vol ont souvent une physionomie plus franche. Malgré tant d’obstacles, les sœurs finissent cependant par acquérir sur ces enfans une certaine influence que leur principale préoccupation est de prolonger. Aussi ont-elles ouvert comme annexe de la correction paternelle une classe dite de petite persévérance où elles conservent de leur plein gré, et avec le consentement de leurs parens, celles dont la réforme morale n’est pas encore accomplie. Grâce à l’institution de cette classe, pour l’entretien de laquelle la maison ne reçoit aucune subvention, d’assez bons résultats peuvent être obtenus. Mais pour celles qui ont été retirées par leurs parens à l’expiration de leur temps de correction, les sœurs ne font guère foi sur la transformation plus ou moins apparente qui a pu s’opérer en elles, et le profit le plus certain que quelques-unes en retirent est peut-être de savoir à quelle porte elles pourront venir frapper, si l’heure du repentir sonne quelque jour pour elles.

Ajoutons, pour n’omettre aucune des divisions, qu’un quartier spécial, absolument séparé du reste de la maison et qui constitue en quelque sorte une clôture dans la clôture, est réservé aux jeunes filles, originaires de familles aisées qui, malgré leur éducation supérieure, n’auraient point échappé cependant à des chutes que