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Le musée de Constantine en contient un assez grand nombre, ainsi que des inscriptions intéressantes. Une jolie mosaïque, représentant des têtes de femmes et des guirlandes de fleurs, est conservée dans le jardin du pénitencier sous une cabane en planches, au travers desquelles filtre l’eau des pluies ; faute de quelques fonds, les détériorations auront bientôt rendu sans valeur ce beau fragment.

En nous ramenant à Batna, la voiture fait un détour pour nous permettre de voir en passant le village arabe. Il nous paraît affreusement triste, placé comme il l’est au milieu d’un terrain complètement nu et composé surtout de sable. Aussi les quelques familles arabes possédant une certaine aisance préfèrent-elles la ville française.

Après une nuit passée à l’hôtel, nous avons quitté Batna, sans beaucoup de regret, le mercredi à sept heures du matin. Notre voiture, louée pour le reste du voyage, avait quelque chose de primitif qui rappelait les voiturins espagnols du temps de don Quichotte. Nos trois petits chevaux à tous crins étaient attelés de front. Le cocher, colon français, peu bavard heureusement, les menait fort lentement en raison de la longue course qu’ils avaient à fournir. Nous arrivons à midi à la première étape : elle s’appelle le ksour. Depuis Batna jusqu’au ksour, le pays nous paraît fort laid ; mais, comme tout paysage algérien, il a cependant son caractère particulier. Les montagnes grises, arides et peu élevées, ont une forme véritablement singulière ; les cimes semblent être rasées et toutes sont couronnées d’une sorte de mur bas formé de larges pierres ; on est tenté de croire qu’elles ont servi de forteresses et que la main des hommes y a passé ; Point de routes tracées : des fossés et des mamelons se rencontrent à tout moment devant les pieds des chevaux, qui ne s’en, inquiètent guère et les passent avec courage, non sans imprimer à la voiture un violent cahot.

Le ksour n’est qu’un caravansérail placé par l’état au milieu d’une campagne déserte pour servir de lieu de ravitaillement aux troupes en marche. L’aubergiste est un colon auquel on cède l’habitation gratuitement. Il gagne sa vie en servant les voyageurs, mais il trouve encore moyen de se plaindre du gouvernement qui ne fait pas davantage pour lui. Il nous a donné pour déjeuner un bon poulet, qui picorait quelques instans auparavant dans sa cour, et des œufs frais. Le sirocco, qui commençait à se faire légèrement sentir à notre départ de Batna, s’est peu à peu élevé. Il donne à la grande plaine qui nous entoure une couleur vaporeuse d’un blanc jaunâtre et rend l’atmosphère énervante. Au sud, la chaîne des montagnes est imposante. Deux jeunes pâtres arabes passent devant la grande