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cette question d’Orient qu’on s’efforce de clore sur les Balkans.

L’Angleterre a aujourd’hui, sans compter sa querelle avec l’Égypte, bon nombre de guerres, dans l’Afghanistan, au pays des Zoulous, sur la côte d’Afrique, et elle ne laisse pas de commencer à ressentir un peu d’ennui de toutes ces expéditions lointaines dont l’opposition se fait une arme contre le ministère triomphant de lord Beaconsfield. L’Allemagne, conduite par M. de Bismarck, l’Allemagne officielle poursuit sa guerre de répression contre le socialisme, et le chancelier entre décidément en campagne contre la liberté commerciale, sous le drapeau de la protection. L’Italie vient d’avoir des interpellations ; des débats parlementaires sur les agitations républicaines qui se réveillent, qui se sont produites récemment avec une certaine ostentation à Milan et sur d’autres points. L’Espagne est tout entière à ses élections, qui sont désormais prochaines, qui ont été décrétées par le ministère de M. Canovas del Castillo et qui vont s’accomplir sous le ministère du général Martinez Campos. Ces élections ont certainement pour l’Espagne une assez sérieuse importance. D’abord elles sont les premières où vont se rencontrer les nouveaux partis formés ou réorganisés dans les chambres depuis la restauration du roi Alphonse XII. Le dernier parlement, celui qui vient d’être dissous, avait été élu, il y a plus de trois ans, au lendemain de la guerre civile, dans ce qu’on pourrait appeler la période de reconstitution de la monarchie, et il avait été nommé par le suffrage universel, qui survivait encore à la révolution. Aujourd’hui c’est sur un terrain nouveau, dans des conditions nouvelles, après trois ans de régime constitutionnel, que la lutte va s’engager. De plus, ces élections sont aussi la première expérience de la nouvelle loi électorale qui a été votée par les chambres. Or cette loi, sans maintenir le suffrage universel, n’a certainement rien de réactionnaire. Elle n’exige de l’électeur qu’une contribution foncière de 25 francs ou une contribution industrielle de 50 francs. Elle étend l’électorat à une assez large catégorie de capacités de toute sorte. Ce qu’elle a surtout de caractéristique et d’original, c’est qu’elle organise ce qu’on appelle la représentation des minorités par le vote cumulatif, par un système de circonscriptions qui permet à l’opposition de conquérir un certain nombre de sièges.

Que sortira-t-il de là ? Ce qui est certain, c’est que le ministère du général Martinez Campos a témoigné par ses actes ; par ses circulaires, l’intention de garder une libérale neutralité, et déjà tous les partis sont en mouvement L’Espagne est en pleine campagne électorale. De toute façon le résultat laissera certainement intacte cette monarchie constitutionnelle qui peut se prêter à toutes les justes extensions libérales en même temps qu’elle est la garantie de tous les intérêts conservateurs dans la paix intérieure reconquise et maintenue.


Ch. De Mazade.

{{d|Le directeur-gérant, C. BULOZ}.