pas intercepté l’escadre de Caunes, vous êtes tombés au milieu de la flotte de Milet. Qu’il fait bon être agile en pareille occurrence ! Une escadre moins leste eût été enveloppée, Charminos en est quitte pour la perte de six vaisseaux ; le reste de son escadre a gagné sans encombre la rade d’Halicarnasse. Les Péloponésiens retournent à Cnide; les vaisseaux d’Antisthène, sachant la mer libre, s’empressent de venir les y joindre.
Un combat dans la brume ! Les modernes aussi en ont livré, et celui que Villeneuve avec ses vingt vaisseaux eut à soutenir, à la hauteur du cap Finistère, contre les quinze vaisseaux de Calder en garda justement le nom de combat des Quinze-Vingt. Ces sortes d’actions sont rarement des affaires décisives ; le triomphe des Péloponésiens leur donnait à peine le droit qu’ils s’arrogèrent d’élever un trophée sur l’île de Symé. C’était cependant quelque chose pour une flotte du Péloponèse d’avoir pu combattre au large et de n’avoir pas essuyé une défaite. L’empereur Napoléon eût félicité Astyochos, puisqu’il félicita Villeneuve. Il faut tenir en effet grand compte du moindre avantage qui peut donner du cœur à des soldats habitués à être vaincus. Regarder alors de trop près à la supériorité du nombre, marchander ses louanges, discuter les heureux hasards qui ont pu entraîner la victoire, n’est pas seulement une coupable injustice, c’est aussi la plus insigne des maladresses. Astyochos était donc un vainqueur. Au profit de qui avait-il vaincu? On éprouve une certaine honte à le dire : ce Spartiate avait vaincu au profit des Perses. Maître de la mer, dominant toute la côte de Lycie, grâce à la flotte vraiment considérable qu’il devait au zèle de Syracuse, à l’activité de Corinthe, de Sycione, de Mégare, de Trézène, d’Épidaure et d’Hermione, aux efforts redoublés des Béotiens, des Phocéens, des Locriens, des habitans de l’Arcadie et de l’isthme de Pallène, Astyochos n’avait eu rien de plus pressé que de s’aboucher de nouveau avec Tissapherne. Croit-on qu’il songeât alors à mettre son concours à un plus haut prix, qu’il voulût revenir sur les concessions arrachées par la nécessité et par les odieux conseils d’Alcibiade à Chalcidéus? Non! Astyochos attendait Tissapherne à Cnide pour reconnaître par un traité solennel « les droits de Darius à la possession de tous les pays précédemment soumis à la monarchie des Perses. »
On a vu des négociateurs sacrifier d’importantes portions de territoire par une simple erreur géographique ; il ne s’est jamais rencontré de diplomate de la force d’Astyochos. Mesurait-il bien, ce général naïf, la portée de l’engagement qu’au nom de son pays il venait de souscrire? Se rendait-il seulement compte des résultats immédiats que cette imprudente convention pouvait avoir? Quoi! les villes Ioniennes allaient retourner sous le joug! Les îles, la