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son commandement n’en était pas moins devenu impossible. En ce moment, par une coïncidence des plus favorables, un autre navarque, Mindaros, arrivait du Péloponèse. Astyochos lui remit avec joie ses pouvoirs et s’embarqua pour aller apprendre à Sparte de quelle façon les alliés qui la secondaient entendaient l’obéissance militaire.

Les généraux de Sparte ne convenaient en réalité qu’à une armée de Spartiates ; le peu de soin qu’ils prenaient de leur personne rendait plus choquante encore la brusquerie de leurs manières; mais il fallait se venger d’Athènes, et les Syracusains eux-mêmes prirent le parti de faire pour quelque temps crédit à Mindaros. Le successeur d’Astyochos n’en comprit que mieux la nécessité de se porter le plus promptement possible au-devant des subsides que lui promettait Pharnabaze. Il donna brusquement l’ordre du départ. Une tempête le jeta sur l’île de Nicarie. La flotte s’y arrêta cinq jours et passa de Nicarie à Chio; de Chio, rangeant de près tout le continent, elle finit par atteindre le promontoire Sigée. Que faisaient donc pendant cette traversée si longue Thrasybule et Thrasylle? Le gouvernement des quatre cents ne leur causait plus d’inquiétude; ils étaient libres de donner tous leurs soins à la guerre, et leur premier devoir consistait à garder l’entrée de l’Hellespont. S’ils étaient restés à Samos, on eût pu croire qu’ils y attendaient Alcibiade et la flotte phénicienne ; mais non ! Thrasybule et Thrasylle s’étaient portés avec soixante-sept vaisseaux de Samos à Méthymne, au nord de Lesbos, et Mindaros, venant de Milet, ayant par conséquent plus de 180 milles à parcourir pour suivre tous les détours de la côte, leur avait glissé entre les mains. Il n’existait point en ce temps de lunettes d’approche; on y suppléait en employant les vues les plus perçantes. Chaque armée navale possédait ses vigies attitrées qu’elle plaçait sur les sommets des îles pour découvrir ce qui se passait au large. Des feux allumés sur ces éminences transmettaient de cap en cap, le jour par leur fumée, la nuit par leur flamme, les avis que les généraux étaient intéressés à recevoir. Thrasybule et Thrasylle n’avaient pas laissé les sommets de Lesbos dégarnis, et pourtant Mindaros venait de tromper leur surveillance. La Paralos et la Salaminienne les auraient mieux servis; malheureusement le gouvernement des quatre cents s’était cru obligé de désorganiser l’équipage de la Paralos, et, quant à la Salaminienne, on lui trouva sans doute une autre destination. Deux yachts, c’était trop peu pour la marine athénienne.

Quand j’avais l’honneur de commander l’escadre de la Méditerranée, je demandais, dans un de mes rapports d’inspection générale, qu’il y eût toujours un éclaireur par groupe de deux vaisseaux. « Le métier d’éclaireur, disais-je, est si difficile, la mission