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leur a donné l’ordre d’abattre leurs mâts pour le suivre. C’est à l’aviron qu’il atteint la côte asiatique au-dessus d’Abydos, au-dessus de Lampsaque, à Parium. Voilà des rameurs auxquels on ne reprochera pas « de n’avoir jamais gagné d’ampoules au service de leur pays. » L’habile et actif stratège quitte Parium la nuit; dès le lendemain, à l’heure où ses équipages doivent prendre leur premier repas, il aborde à Proconèse. On sait que cette île, dont la superficie égale à peu près celle de Ténédos, a changé de nom; nous l’appelons aujourd’hui, comme la mer intérieure dont elle occupe l’entrée, Marmara. La présence de Mindaros à Cyzique est confirmée aux stratèges athéniens par les habitans de Proconèse. Il reste à la flotte une trentaine de milles à franchir pour doubler la presqu’île des Dolions et atteindre le fond du golfe. Le temps incertain eût probablement arrêté un autre général ; Alcibiade ne voit dans cette circonstance qu’une faveur du sort; ce ciel couvert et bas lui permettra de dérober sa marche à l’attention des vedettes ennemies. C’est ainsi que la flotte d’Athènes est tombée à l’improviste au milieu des vaisseaux de Mindaros.

Les Péloponésiens surpris se débandent et fuient vers la côte. Là Mindaros parvient à les rallier. Il les fait mouiller, la proue en avant, une amarre à terre, offrant un front gardé sur ses deux flancs aux vaisseaux athéniens. Pharnabaze désormais se charge de les défendre. Alcibiade juge du premier coup d’œil qu’un assaut ordinaire ne le conduirait à rien. Il prend vingt de ses vaisseaux, les meilleurs, choisit un point de la côte assez éloigné pour qu’on ait négligé de le garnir de troupes, et y débarque tout un corps d’hoplites. Ce mouvement tournant n’a pas échappé à Mindaros. L’amiral de Sparte laisse la défense des trières aux épibates, aux rameurs, et se précipite, à la tête des soldats pesamment armés, sur la plage. Les trières mouillées sont bien encore l’enjeu ; le combat n’est plus un combat naval. Mindaros d’un côté avec l’infanterie de Cléarque, Thrasybule de l’autre avec les soldats qu’il a pris à bord des vaisseaux laissés par Alcibiade devant Cyzique, se rencontrent et se mêlent sur le sol de l’Asie; l’infanterie de Charès, conduite par Théramène, s’attaque principalement aux troupes du satrape. Quelle que soit l’ardeur de ces troupes auxiliaires, elles ne sont pas de taille à se mesurer avec des hoplites ; c’est là le côté faible de la ligne ennemie. Les soldats de Pharnabaze commencent à plier et leur retraite découvre le flanc gauche de Mindaros. Alcibiade n’avait pas encore donné, il saisit l’occasion aux cheveux, accourt avec la troupe d’élite dont il s’est réservé la conduite, communique sa bouillante ardeur à ses soldats, presse son adversaire et pénètre jusqu’au cœur des phalanges ennemies. Là il se trouve