le nombre; Hermocrate lui-même fut tué dans ce tumulte. Il périt; le sort lui réservait un vengeur. Denys le Tyran se chargea bientôt d’apprendre aux Syracusains ce que gagne un peuple à faucher tout ce qui s’élève.
Ne nous égarons pas au milieu de ce dédale ; les fautes de Syracuse pourraient nous entraîner à oublier les erreurs d’Athènes. La démocratie est la même partout; il était bon pourtant de montrer, à côte du proscrit coupable, le proscrit digne jusqu’à sa dernière heure de respect. L’exemple d’Hermocrate ne rend que plus odieuse la conduite d’Alcibiade. Je voudrais me défendre d’un trop grand penchant à la sévérité vis-à-vis de ce brillant fils de Clinias. Tout n’était pas intrigue chez Alcibiade. Ce ne fut pas l’intrigue qui lui permit de faire vivre sa flotte pendant deux années sans recourir au trésor d’Athènes, de s’emparer, aussitôt après le combat de Cyzique, de Périnthe et de Sélybrie, de fonder à Chrysopolis, sur la rive asiatique du Bosphore, un comptoir destiné à prélever la dîme sur tous les vaisseaux marchands revenant de l’Euxin. On rencontre là les fruits bien légitimes d’une activité sans relâche, d’un zèle de bon aloi. La prise de Byzance enlevée à Cléarque, qui la gouvernait en qualité d’harmoste, au nom de Lacédémone, rentre davantage dans les procédés habituels d’Alcibiade. Ce fut la trahison qui ouvrit aux généraux d’Athènes les portes de cette ville, défendue par une garnison imposante et, depuis un mois, assiégée en vain. Si Alcibiade n’avait jamais eu à se reprocher que d’avoir tenté la conscience des ennemis de son pays, sa propre conscience eût, jusqu’à un certain point, conservé le droit de demeurer légère. Il y a donc dans cette existence agitée une période remplie de services réels, une période qui pourrait, à la rigueur, atténuer et presque effacer le souvenir des autres. Cet intervalle heureux touchait à son terme ; Alcibiade allait rencontrer sur son chemin la pierre d’achoppement : Lysandre, — un Alcibiade aussi, mais un Alcibiade trempé dans les eaux de l’Eurotas. — Le sort avait déjà désigné Lysandre pour terminer, à l’avantage de Sparte, la guerre du Peloponèse. Ce fut Lysandre, fils d’Aristocrite, issu d’une maison presque royale, car elle appartenait à la race des Héraclides, qui vint prendre, au début de l’année 407 avant Jésus-Christ, la place laissée vacante par la mort de Mindaros. Pendant ce temps, Alcibiade allait, le laurier au front, purger sa contumace au tribunal d’Athènes.
Pour obtenir la réparation tardive que lui devait, au dire de ses amis, un peuple trop longtemps égaré par des imputations calomnieuses, Alcibiade s’y prit autrement qu’Hermocrate. La triste fin du grand citoyen de Syracuse ne nous apprend que trop qu’Alcibiade