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les avances convenables pour commencer cet ouvrage, et la place honorable que vous occupez dans la carrière politique m’assure, monsieur le général, que votre âme ne peut concevoir d’autre ambition plus noble que celle de concourir à l’achever…

« Il est temps que deux nations qui peuvent ne pas s’aimer, mais qui s’estiment, les deux nations les plus civilisées de l’Europe, cessent de se battre…

« J’ai écrit au grand vizir d’envoyer deux personnes de marque pour entamer les conférences dans un lieu qu’il indiquera. De mon côté, j’enverrai le général de division Desaix et l’administrateur général des finances Poussielgue. Si vous désirez que ces conférences se tiennent à bord de votre vaisseau, j’y consentirai volontiers. »


Les négociations se poursuivirent sans interrompre les hostilités, qui maintinrent partout l’ascendant de nos armes ; mais Kléber sentait que l’expédition touchait à son terme. Voici en effet ce qu’il écrit au directoire à la date du 26 novembre 1799 :


« Depuis le départ de Bonaparte, je vous ai expédié deux courriers pour vous faire connaître la situation dans laquelle ce général a laissé l’Égypte, tant au dedans qu’au dehors…

« Celle-ci, citoyens directeurs, n’est que pour vous prévenir qu’il est plus que probable que dans deux mois l’Égypte sera retournée au pouvoir de la Porte, soit par la voie des négociations, soit par le sort des armes ; encore dois-je supposer que je serai victorieux, car, vaincu, il n’est point de salut pour l’armée.

« Si Bonaparte est arrivé en France dans une circonstance où son intérêt ne lui commande pas de trahir la vérité, si les dépêches que je vous ai expédiées vous sont parvenues, vous vous attendiez, citoyens directeurs, à l’événement que je vous annonce ; dans le cas contraire, votre justice vous fera suspendre votre jugement sur ma conduite, jusqu’à ce que je puisse me faire entendre.


L’armée elle-même commençait à murmurer et des faits de rébellion s’étaient produits dans la 2e demi-brigade légère. Les généraux même n’étaient pas toujours à la hauteur de la tâche que les circonstances leur imposaient, et Kléber est parfois obligé de les rappeler au sentiment de leurs devoirs. C’est ainsi qu’il écrit au général Verdier :


« Je ne doute nullement de votre zèle, de votre bonne volonté et de votre courage ; mais il est des circonstances où tout cela ne suffit pas : telle était la révolte de la 2e légère.

« La plus grande faute que vous ayez faite et que vous ayez pu faire est d’avoir séparé et envoyé à Mahasarah les chefs, officiers et sous-offi-