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où le crédit trouve une limite artificielle. La conversion du 5 pour 100 est le prélude indispensable de ces appels aux capitaux qu’on se propose de faire pour l’exécution des grands travaux d’utilité publique dont le programme est devant les chambres.

M. Gambetta, dans son fameux discours de Romans du mois de septembre dernier, a dit « qu’il était opposé à la conversion parce qu’il voulait assurer le crédit, et qu’il importait de ménager les intérêts de ceux qui étaient venus apporter avec bonne foi leur épargne au trésor dans les momens douloureux qu’avait traversés la France. » On a eu lieu d’être surpris d’un pareil langage dans la bouche d’un homme qui avait été plusieurs années de suite président de la commission du budget et qui avait pu voir les choses de près et étudier ce qui est favorable ou nuisible au crédit de l’état. Que la conversion soit désagréable aux porteurs de 5 pour 100, cela n’est pas douteux. Ils aimeraient mieux assurément conserver leur revenu entier que de le voir réduit. Pourtant, si on leur offre 100 francs pour 82 francs qu’ils ont prêtés, en prenant le taux moyen des derniers emprunts de 1871 et 72, ils n’ont pas à se plaindre. Et, parce qu’ils auront apporté leur argent à l’état « dans des circonstances douloureuses » et stipulé en conséquence un intérêt plus élevé que celui qu’ils auraient obtenu en temps ordinaire, sera-t-il donc interdit à ce même état d’améliorer sa situation? Du moment qu’il offre ce qu’il a reçu et même plus, n’a-t-il pas le droit, si on n’accepte pas le remboursement, d’imposer une réduction d’intérêt qui est justifiée par les circonstances nouvelles? Il trouverait facilement aujourd’hui à emprunter à 4 pour 100, et parce qu’il a été obligé un jour de subir un intérêt de 6, il ne pourrait pas profiter de l’amélioration qui s’est produite? Ce serait singulièrement abusif. — On n’a pas songé assez à l’intérêt des contribuables. Nous ne dirons pas-comme certaines personnes : tout pour les contribuables. On pourrait aller fort loin avec cette maxime; C’est celle qu’invoquent les états qui ne font pas honneur à leurs engagemens. Mais lorsqu’on a satisfait à ses engagemens de la façon la plus complète, il est bien permis de s’occuper aussi des contribuables et de chercher ce qui peut légitimement alléger le poids qui pèse sur eux.

Maintenant, où a-t-on vu qu’en payant ses dettes on nuisît à son crédit? C’est absolument le contraire qui est vrai. Et sans faire de théorie à cet égard, ce qui serait inutile, nous n’avons qu’à citer l’exemple des États-Unis. Depuis la fin de la guerre de sécession, ils ont déjà remboursé le tiers de leur dette, 5 milliards sur 15. Jamais leur crédit n’a été à un taux plus élevé. Pour montrer l’avantage que peut avoir la conversion, pour le crédit public et les affaires, supposons