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dans le droit, » et qui a même trouvé la formule. Ceux qui passent leur vie à chercher des traditions ou des exemples dans toutes les violations des lois, à illustrer la mémoire de tous les conspirateurs, à réhabiliter l’insurrection dans le passé ou à la relever de ses déchéances dans le présent, ceux-là n’ont plus rien à dire contre les 2 décembre qui, eux aussi, ont leur vote. Ils justifient d’avance tous les caprices, tous les attentats qui invoqueront le nom du peuple, et ce qu’il y a de plus curieux, c’est qu’ils ont la jactance de ce qu’ils font. Ils ne déguisent ni leurs arrière-pensées ni leur intention de persévérer dans l’illégalité impénitente; ils se vantent d’imposer aux pouvoirs publics M. Blanqui, et après M. Blanqui les autres outlaws de la commune. Là où a passé Bordeaux passera bien Lyon ! Est-ce qu’on croit sérieusement que la république légale, régulière, qui n’est arrivée à se fonder que par des efforts de modération, s’affermit et s’accrédite aujourd’hui par cette habitude renaissante des excentricités périlleuses? Est-ce qu’il est extraordinaire que l’opinion se demande si tout cela va recommencer, qu’elle ressente quelque inquiétude, quelque défiance en voyant sortir de l’urne, par la main de ceux qui se disent les défenseurs du régime républicain, le nom de ce vieux santon de toutes les violences et de toutes les vulgarités révolutionnaires, qui n’a pas pu même être élu aux temps agités de 1848?

Le gouvernement est certes fidèle à son devoir en se montrant décidé à combattre jusqu’au bout l’élection de M. Blanqui, à résister aux sommations de l’anarchie qui demande à entrer dans la république. Il est en règle sur ce point, et cependant de son côté que fait le ministère lorsqu’il laisse un de ses membres proposer une loi qui est une concession évidente aux passions représentées par l’élu de Bordeaux, qui ressemble à un défi gratuit, étourdi, jeté aux sentimens libéraux et conservateurs dont le gouvernement devrait se faire une force et un appui? Est-ce qu’il ne prend pas lui-même l’initiative d’une guerre qui est certainement faite, elle aussi, pour troubler l’opinion, pour mettre la république en suspicion, d’une guerre que rien ne nécessitait, sur tout avec un gouvernement qui pouvait désormais se servir des lois avec suite, avec calme, sans chercher les conflits? M. le ministre de l’instruction publique a l’air de s’étonner et même un peu de s’irriter de l’émotion qu’il a provoquée, des dissidences qu’il suscite parmi les libéraux, des pétitions qui s’organisent et se multiplient. Il montre quelque impatience de s’expliquer, de justifier ses mesures, sans attendre la réunion du parlement. Il va porter sa défense et ses commentaires un peu partout, devant l’assemblée des sociétés savantes réunies à Paris, — dans les Vosges devant les conseillers généraux ou municipaux d’Épinal. Il n’a pas justifié sa loi; il l’a aggravée plutôt, ou si l’on veut il l’a précisée sur certains points; il a dévoilé le singulier et dangereux esprit qu’il porte dans une affaire engagée avec une pétulante irréflexion.